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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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s’intéressait
à l’archéologie…
    — J’ai été surpris, car manifestement
il ne comprenait pas un mot de ce que disait le conférencier. Alors, je lui ai
traduit…
    — Comment saviez-vous qu’il parlait le
français ?
    — Je ne le savais pas, une intuition. Il
a eu l’air surpris et m’a regardé droit dans les yeux, tendu. Je le trouvais
sympathique, je lui ai souri et… lui aussi. À la fin de la conférence, nous
étions devenus amis. Nous avons pris un verre ensemble et nous avons parlé de
poésie, de Rimbaud, surtout.
    Comment Daniel, si méfiant, s’était-il lié
aussi vite avec un inconnu ? Cela est surprenant, se dit Léa. Quoique… ce
garçon avait une manière si directe, si franche et si séduisante de regarder
son interlocuteur qu’on avait envie de lui faire confiance immédiatement. Et ce
sourire, désarmant de tendresse et d’ironie…
    — Et Carmen ?
    — Ses parents sont des amis de ma tante
Beatriz chez laquelle je loge. C’est une fille amusante et gaie, ma tante l’aime
beaucoup.
    — Et vous ?
    Ernesto rougit.
    — Moi aussi… Vous, vous devez être la
jeune fille dont m’a parlé Daniel, che ?
    Léa ne répondit pas. Elle prit une allée
latérale et s’assit sur les marches d’une chapelle. Il vint auprès d’elle.
    — Que faites-vous ?
    — Je suis étudiant en médecine… première
année.
    — Vous êtes communiste ?
    — Non, je ne suis pas communiste. La
politique ne m’intéresse pas. Par contre je suis contre l’injustice, toutes les
injustices et contre l’argent qui salit tout. Et vous, que faites-vous ?
    — Je ne sais pas très bien. Je suis
venue en Argentine sur l’invitation de Victoria Ocampo.
    — Victoria Ocampo ?… La directrice
de la revue Sur  ?
    — Oui, nous avons fait connaissance en
Allemagne.
    — En Allemagne… fit-il d’un ton songeur.
Pendant la guerre, mon père m’a emmené dans des réunions contre les nazis. J’étais
très jeune, mais très impressionné. Là, j’ai compris qu’il fallait tout faire
pour que les Allemands perdent la guerre. Il faut partir, les portes du
cimetière vont fermer. Où allez-vous ? Je vais vous raccompagner.
    — Au « Plaza hotel ».
    —  Che, ça tombe bien, j’habite à
Arenales, c’est tout près du « Plaza ». Venez, il y a un tramway qui
va par là…

26.
    En rentrant à l’hôtel, Léa trouva un message
de François. « Sois à 21 heures au théâtre Colon, prends un taxi, passe
par l’entrée latérale. Dis que tu es attendue à la loge spéciale numéro
vingt-cinq. J’y serai. » Qu’est-ce que c’était encore que ce rendez-vous
mystérieux ? Ne pouvait-il agir plus simplement ? « Qui sait si
je ne vais pas encore le trouver assommé dans cette loge… » Elle monta
dans sa chambre et se fit couler un bain.
    —  Señorita, la entrada es acá. [43]
    —  Ya lo sé, dit Léa devinant le sens de la phrase. Palco especial
veinticinco [44] , parvint-elle à dire, se sentant ridicule.
    L’homme la regarda d’un air entendu et, avec
un sourire égrillard, lui fit signe de la suivre. Il descendit quelques marches,
prit un couloir, puis un autre plus étroit et mal éclairé, passa devant deux
portes portant des numéros et s’arrêta devant la troisième. On entendait la
musique du Lac des cygnes.
    —  Es acá señorita, [45] dit-il à voix basse, en frappant doucement à
la porte.
    —  ¿   Quien es ? [46]
    —  Es el portero, estoy con una
señorita qui dice tener cita en el palco número veinticinco. [47]
    La porte s’entrouvrit. Tavernier lança un
regard rapide dans le couloir et s’effaça pour laisser entrer Léa.
    —  Bueno , gracias, [48] dit-il à l’homme
en lui tendant un pourboire. Que no me
molesten. [49]
    —  Quedese tranquilo Señor. Luigi vigila. [50]
    Léa ramassa les plis de sa robe de rayonne
rouge sombre et s’assit sur une des banquettes recouvertes d’un velours de la
même teinte, placées de chaque côté de l’entrée. Un rideau du même tissu
refermait l’endroit, où régnait une chaleur étouffante. François poussa le
verrou.
    — On se croirait dans une boîte.
    — Attends, tu n’as rien vu, dit-il en
écartant le rideau.
    Deux chaises capitonnées, encore un rideau.
    — Viens voir.
    Elle s’approcha, il entrouvrit légèrement la
tenture ; une épaisse grille de fer forgé fermait la loge.
    — De mieux en mieux, maintenant, on se
croirait en prison.
    — Chut,

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