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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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attentivement : comment
une étrangère à ce pays avait-elle si bien deviné l’esprit des lieux ?
    Ils passèrent devant la façade nord, puis le
long des hangars de bois abritant les charrettes tandis que le soleil déclinait
dans un rougeoiement d’apocalypse, donnant un aspect irréel aux bâtiments de
Bellevue qui semblaient fondre dans la fournaise. Le coucher du soleil avait
toujours été pour Léa un moment intense. Toute petite fille, marchant à peine, elle
s’échappait vers la partie ouest de la maison pour regarder l’astre brillant se
« mettre au lit ». À chaque fois qu’il disparaissait derrière la
colline de Verdelais, elle avait un pincement au cœur et sentait monter en elle
une vague inquiétude. Cette inquiétude était toujours présente. Là, aujourd’hui,
entre l’homme qu’elle aimait et l’amie retrouvée devant un ciel tourmenté de
pourpre et de noir et ce soleil d’un éclat de feu, l’inquiétude, fut non
seulement présente comme à chaque fois, mais forte, très forte. Ses compagnons
s’étaient arrêtés et faisaient silence devant cet instant de beauté qui
absolvait, l’espace de cet instant, toute laideur sur terre. Pourquoi cette
angoisse soudaine ?… Oh, que le soleil ne se couche pas, que ne vienne pas
la nuit porteuse de rêves sombres !… Appuyée contre son amant, elle
frissonna longuement. Sentir un corps aimé vibrer contre le sien, partager avec
lui l’émotion du moment, cela seul était vrai, se dit Tavernier en l’enlaçant. Léa
leva les yeux vers lui, éblouissante, irréelle, nimbée de l’éclat du soleil
couchant. Leurs ombres enlacées se projetaient, presque palpables, sur le mur
du chais où fleurissaient d’odorantes roses blanches. Leur désir montait dans l’odeur
des roses, si fort qu’ils éprouvèrent une brusque jouissance qui les laissa
tremblants, bouleversés par cette reconnaissance de leurs corps. Sarah et
Daniel les regardaient, traversés de sentiments divers ; ces deux-là
étaient faits évidemment l’un pour l’autre, complémentaires. « Ai-je le
droit ? » pensait Sarah. « Je veux que cette fille m’aime un jour
comme elle l’aime. » se disait Daniel.
    Toujours enlacés, Léa et François se
dirigèrent lentement vers l’entrée sud de la maison. Là, ils gagnèrent le salon
où les attendaient les demoiselles de Montpleynet, Françoise et Laure bavardant
avec animation, le père Henri, Jean Lefèvre et Alain Lebrun fumant en devisant.
Charles se jeta dans les bras de son « ami François ».
    — Te voilà un homme maintenant, mon
garçon, dit-il en le reposant à terre.
    Quant à Pierre, peu habitué à tant de monde,
il se cacha derrière sa mère.
    Léa fit les présentations. Après avoir bu un
verre d’un vin vieux de Montillac, ils passèrent à table.
    Le repas fut gai et animé. Ruth avait mis
les petits plats dans les grands et fut chaudement félicitée par Tavernier. Sarah,
assise entre le père Henri et Jean Lefèvre, paraissait souriante et détendue, écoutant
attentivement ses voisins à tour de rôle ; Alain Lebrun ne quittait pas
Françoise des yeux, Daniel et Laure parlaient avec animation, Albertine et Lisa
surveillaient les enfants. Après le dîner, hormis les enfants et les tantes, on
descendit vers la terrasse.
    La nuit était noire maintenant, chaude et
étoilée. En fumant ils contemplaient, accoudés au parapet le sombre paysage
égayé de rares lumières du côté de Langon. Un train passa sur le pont
métallique tel un serpent lumineux. Une étoile filante tomba ; Léa fit un
vœu.
    Fatiguée du voyage, Sarah demanda à se
retirer. Ils remontèrent vers la maison. Jean et le père Henri prirent congé.
    — Laure, tu t’installes dans ta chambre,
je pense ? J’ai mis Sarah dans celle du fond et Daniel dans la petite
chambre à côté de la tienne, dit Léa.
    — Bonne nuit, ma chérie, dit Sarah en l’embrassant.
    — Bonne nuit, mademoiselle.
    — Bonne nuit Daniel, je m’appelle Léa. A
demain.
    Enfin seuls !
    — Viens, la nuit est trop douce pour
aller se coucher, je veux marcher avec toi.
    En se tenant par la taille, ils descendirent
en contrebas de la terrasse. Le chemin longeant les vignes était mœlleux à
leurs pieds. Ils tournèrent dans celui de gauche qui allait vers les saules.
    — Je reconnais cet endroit.
    — C’est la Gerbette, nous y sommes
venus le soir de l’enterrement de mon père.
    — Je m’en souviens, dit-il en

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