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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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l’attirant
à lui.
    — Viens, dit-elle en se dégageant.
    Comme la première fois, il dut ouvrir la
porte d’un coup d’épaule. Comme la première fois, elle dit :
    — Ce n’est pas très beau. Dans mon
souvenir, ça l’était beaucoup plus.
    Et comme la première fois, il étendit sa
veste sur le foin.
    Le jour se levait
quand ils rentrèrent à Montillac fourbus et heureux. À peine couchés dans le
lit étroit où dormait Léa, ils sombrèrent dans un sommeil profond.

12.
    La semaine passa comme dans un rêve tant Léa
avait de choses et de lieux à montrer à ses amis. Laure ne quittait plus Daniel,
le dévorant des yeux, lui la trouvait charmante, un peu collante, rien à voir
avec sa sœur qui accaparait toute son attention et devant qui les autres femmes
avaient bien du mal à exister – à part Sarah, mais Sarah, c’était
autre chose. Sarah, c’était son double femelle. Ils avaient souffert les mêmes
tourments, les mêmes angoisses, la haine les avait soutenus ; du fond de l’épouvante,
ils s’étaient juré de vivre pour témoigner de l’horreur, pour se venger. Ce qu’ils
avaient fait pour survivre, ils en éprouvaient de la honte et cette honte aussi
méritait vengeance. Ils s’étaient tout dit et s’étaient reconnus. Il avait
dix-huit ans, elle bientôt trente, mais ils étaient plus vieux qu’un homme de
quatre-vingt-dix ans. Françoise se disait qu’elle pourrait aimer Alain, Léa et
François étaient si manifestement épris l’un de l’autre que c’en était gênant. Gênant
et douloureux pour Jean. Il comprenait le choix de son amie : Tavernier, c’était
l’aventure, Paris ; lui, c’était la vie calme et bourgeoise, la province
et cependant, il était convaincu que toute une part d’elle-même était faite
pour une vie paisible dans ce pays qu’elle aimait.
    Sur la terrasse, marchant de long en large, le
père Henri et Sarah poursuivaient une discussion animée.
    — … Les vrais combattants ont peur d’être
des tortionnaires. Ils méprisent, dans un égal dégoût, celui qui parmi eux se
laisse enivrer de fureur guerrière jusqu’à devenir un tueur…
    — Vous avez raison, mon père, nous ne
sommes pas de vrais combattants et pourquoi le serions-nous face à ceux qui ont
été, eux, des tortionnaires ? Ce n’est pas de fureur guerrière que nous
sommes ivres, mais de vengeance. Et vous me parlez bonté, amour, justice, pardon !…
Comment voulez-vous que nous comprenions ces paroles ?
    — Vous le devez pourtant. Vous portez
en vous une grande responsabilité : témoigner. Témoigner devant la terre
entière de quelles folies est capable le genre humain pour que, les connaissant,
il les rejette avec horreur…
    — Comment après avoir vu, comme moi, de
quoi ils étaient capables, vous les considérez toujours comme appartenant au
genre humain ? Vous croyez toujours en votre Dieu ?…
    — Oui, plus que jamais je crois en Lui.
Je sais avec certitude que l’Éternel est Amour, qu’Il est là, présent, actif, non
coupable de la douleur et du mal. Il peut sembler au croyant que le cri des
douleurs dont est remplie la création le nie, le rende incroyable. Pour qu’il
soit croyable, le croyant ne doit pas être un « croyant tout court »,
mais un « croyant quand même », c’est-à-dire les yeux grands ouverts
face aux réalités qui interpellent tous les hommes et les blessent et leur
restent obscures, et pourtant certain que l’Éternel est Amour quand même. Pardonner
est un devoir…
    — Parlez pour vous, vous êtes chrétien,
moi je suis juive ! Le voudrais-je, je ne le pourrais pas, je n’en aurais
pas le droit, trop de morts, trop de souffrances réclament justice…
    — Vous-même vous employez ce mot. Laissez
faire la justice, elle a ses droits ; bien plus que des droits, des
devoirs catégoriques. Elle doit châtier, mais la justice n’a rien à voir avec
la haine ni avec les vengeances. Ni la haine ni la vengeance ne savent produire ;
elles sont stériles et destructrices. Que la justice durement, quand elle doit
être dure, accomplisse son œuvre, mais que notre cœur n’en devienne jamais
mauvais. Prenez garde à cette contamination qui fait que, parfois, celui qui a
lutté contre un mal devient, après son triomphe, atteint de ce même mal qu’il a
voulu terrasser.
    — C’est trop tard, je suis contaminée.
    — Je ne veux pas le croire. Au moins n’entraînez
pas votre jeune cousin, c’est encore

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