Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
Vom Netzwerk:
disant :
« Avez-vous vu Victor ? » Tu répondras : « Je pense le
voir ce soir. » Tu as bien compris ? Répète.
    D’une voix monocorde, Léa répéta.
    — C’est bien. Reviens me voir demain
pour me tenir au courant.
    Dans le couloir, elle croisa Daniel.
    — Comment va-t-elle ?… Pourquoi ne
dites-vous rien ?… Qu’avez-vous ? Vous êtes toute pâle.
    Soutenue par le jeune homme, elle s’assit
sur une chaise, les jambes molles, se sentant sur le point de s’évanouir.
    — Ça va, ce n’est rien… je ne supporte
pas l’odeur de l’éther.
    — Vous m’avez fait peur… Comment va
Sarah ?
    — Mieux, beaucoup mieux.
    — Voulez-vous que je vous raccompagne ?
    — Non, ça ira, merci.
    Léa n’avait qu’une envie, fuir cet hôpital
et trouver un endroit calme où réfléchir. Elle quitta rapidement Daniel.
    À l’Observatoire, elle sauta sur la
plate-forme d’un autobus qui démarrait. Le contrôleur l’attrapa par le bras et
mit la chaîne de sécurité.
    — C’est dangereux, mademoiselle, de
monter en marche.
    — Vous allez vers la place Saint-Michel ?
    — Oui, mademoiselle, c’est deux tickets.
    Léa paya et s’accouda à la rambarde de bois.
Le vent de la vitesse faisait voler ses cheveux.
    L’étroite rue Saint-André-des-Arts était
pleine de monde. Arrivée rue Grégoire-de-Tours, elle ouvrit la porte avec la
clef donnée par sa sœur. Le studio était vide. À trois reprises, elle appela
par téléphone la rue de l’Université, sans succès. François non plus n’était
pas là. En revanche, au numéro donné par Sarah, une voix d’homme lui répondit.

15.
    — Avez-vous vu Victor ?
    Bien que sur ses gardes, Léa sursauta. Un
inconnu, arborant de superbes moustaches rousses, attendait sa réponse.
    — Je pense le voir ce soir.
    — C’est bon, venez.
    Par le passage, ils rejoignirent le
boulevard Saint-Germain et entrèrent dans un grand café. Il la poussa dans le
fond, loin des consommateurs.
    — Que prenez-vous ?
    — Je ne sais pas, la même chose que
vous.
    — Garçon, deux verres de vodka bien
glacée.
    Ils restèrent silencieux jusqu’au retour du
serveur.
    — Buvez, vous avez l’air d’en avoir
besoin.
    Fermant les yeux, elle but… Aussitôt lui
revinrent en mémoire les soirées, les jours passés avec les soldats soviétiques
en Allemagne, à la recherche des personnes déplacées, des orphelins, les
beuveries fantastiques, les chants si beaux, si mélancoliques. Elle devait à
ces hommes venus de l’Est des moments fous de gaieté et noirs de tristesse. Elle
revoyait ces regards noyés à l’évocation du pays natal, de la femme aimée :
que de tendresse, de délicatesse sous leurs airs rus- tauds ! Ces efforts
qu’ils faisaient pour lui rendre ses nuits moins inconfortables, se privant de
leur couverture, partageant le thé, le pain noir… Comme elles lui manquaient, aujourd’hui,
cette camaraderie, ces petites attentions qui rendaient la vie au milieu des
ruines moins difficile, plus chaleureuse ! Léa se prit à regretter ce
temps et soupira.
    — Ça ne vous ennuierait pas, mademoiselle,
de revenir sur terre ? dit l’homme à moustaches.
    — Je pensais aux soldats russes, à mes
amis…
    Il la regarda d’un drôle d’air : « Encore
une folle », pensa-t-il.
    — Il ne faut pas rester trop longtemps
ensemble. Si Sarah vous a donné ce numéro, c’est qu’elle avait quelque chose à
nous communiquer.
    Elle ne put s’empêcher de plaisanter :
    — Comment avez-vous deviné ?
    Il ne devait pas avoir beaucoup d’humour, à
moins que les subtilités du français ne lui échappassent, car il eut un
froncement de sourcils agacé. Sans se démonter, Léa continua et lui raconta sa
rencontre de la rue Saint-Jacques.
    — Vous n’avez pas davantage de
précisions ?
    — Non, à part les moustaches, l’accent
et la taille il n’était pas beaucoup plus grand que moi. Ah ! si, il avait
un blouson ou une canadienne de cuir…
    — Par ce temps ?
    — Oui, je m’en suis même fait la
réflexion pendant qu’il me tenait.
    — Il vous a semblé jeune ?
    — C’est difficile à dire… oui, je pense.
    — Bien, on va se débrouiller avec ça. Vous
revoyez Sarah demain ?
    — Oui, dit-elle du bout des lèvres.
    — Dites-lui que nous avons localisé le
gibier et que la chasse pourrait commencer plus tôt que prévu, elle comprendra.
    — Moi aussi, je comprends… C’est comme
un jeu scout,

Weitere Kostenlose Bücher