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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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convoquées au Quai des Orfèvres cet après-midi ?
    — Oui, dit Laure. Qui pouvait en
vouloir à Sarah au point de la tuer ? Avez-vous une idée ?
    — Pas la moindre. Il s’agit sans doute
d’une erreur.
    — Mais, François…
    — Oui, Léa, d’une erreur.
    — Pourquoi nous avoir dit de n’ouvrir à
personne ?
    — Par prudence. Je ne peux pas rester
plus longtemps, je dois me rendre au Quai d’Orsay. À tout à l’heure.
    Non, elle ne
connaissait pas d’ennemis à Sarah, non, elle n’avait pas vu les agresseurs ni
relevé le numéro minéralogique de la voiture, non, elle n’avait remarqué
personne de suspect, non… Léa n’aimait pas du tout cet interrogatoire. L’attentat
avait profondément troublé Laure qui sentait vaciller tout son petit monde. Elle
était si apeurée que l’inspecteur qui l’interrogeait eut pitié d’elle et
écourta son audition. À la sortie du Palais de justice, elle quitta sa sœur
sous prétexte d’un rendez-vous important.
    Léa traversa la Seine et remonta le
boulevard Saint-Michel. Des jeunes gens se retournaient sur son passage avec
des sifflements admiratifs auxquels elle répondait par un sourire. Elle se
sentait belle dans le tailleur bleu ciel emprunté à Laure. Il régnait sur le
boulevard une effervescence de rentrée des classes ; des garçons et des
filles déambulaient, les bras chargés de livres. Devant la gare du Luxembourg, une
vingtaine de badauds entouraient un couple de chanteurs des rues et reprenaient
en chœur le refrain d’une chanson d’Edith Piaf. La femme avait une belle voix. Léa
s’arrêta. La chanson finie, la chanteuse fit la quête sous les applaudissements.
    — Cinquante centimes, paroles et
musique, qui m’achète le grand succès de la môme Piaf ?… merci, mademoiselle.
    Rue Gay-Lussac, rue Saint-Jacques, Léa
marchait d’un bon pas. Des hommes en uniforme sortant du Val de Grâce lui
lancèrent de fines plaisanteries. Sur l’étroit trottoir, elle s’enfonça dans l’encoignure
d’une porte cochère pour laisser passer une jeune mère poussant un grand landau.
Une main l’agrippa, la bousculant sous le porche et la plaqua face au mur
rugueux tandis que l’autre la bâillonnait. La lourde porte se referma. Elle
sentit l’haleine forte contre son visage.
    — Ne bouge pas, ne crie pas… je ne veux
pas te faire de mal, mais te charger d’un message… Tu vas à l’hôpital voir ton
amie juive ?… Dis-lui qu’elle se tienne tranquille… On l’a ratée hier, on
ne la ratera pas demain… Nous sommes partout… nous tuerons tous ceux qui se
mettent en travers de notre chemin…
    — Je ne comprends pas, parvint à
articuler Léa.
    — Tant mieux pour toi… si tu comprenais,
tu serais déjà morte… Cette juive n’est pas une compagnie pour une belle fille
comme toi… Tu as compris le message ?… Je vais te lâcher… surtout ne crie
pas, je serais obligé de t’abattre, ce serait dommage… Allez, file rendre
visite à cette putain.
    L’homme la laissa brutalement, quitta le
porche et ouvrit la porte sans se presser. Tremblante, les jambes molles, Léa
se mit à pleurer nerveusement. Une cavalcade dans l’escalier lui rendit ses
esprits.
    — Tu cherches quelque chose ?, demanda
un gamin de l’âge de Charles.
    — Non, merci.
    — Mais tu pleures !… Tu t’es fait
mal ?
    Elle réussit à sourire :
    — Ça va, tu es gentil.
    Après l’ombre de l’entrée de l’immeuble, le
soleil encore lumineux de la fin de l’après-midi lui fit cligner des yeux. Elle
courut, bousculant les passants et traversa, toujours courant, le boulevard de
Port-Royal au milieu d’un concert de klaxons et d’imprécations. Essoufflée, elle
arriva à l’hôpital ; là on lui indiqua le bâtiment dans lequel était Sarah.
Une religieuse la conduisit jusqu’à la chambre de la blessée devant laquelle se
tenait un agent de police qui lui demanda ses papiers.
    — Ne la fatiguez pas, ne restez pas
trop longtemps, dit la bonne sœur en ouvrant la porte.
    La chambre était plongée dans une douce
pénombre. Par la fenêtre entrouverte, munie de barreaux, un peu d’air passait, faisant
mollement onduler le rideau de toile blanche. Dans le haut lit de fer, l’épaule
entourée d’un bandage, Sarah semblait dormir. Avec émotion, Léa se pencha. Sarah
ouvrit les yeux, plongeant son regard vert dans celui de son amie tandis qu’un
léger sourire embellissait son visage. Sourire qui s’éteignit

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