Noir Tango
quatre.
— ¿ Como ? [28]
— El teléfono
est á en la oficina [29] , fit la domestique en désignant la bibliothèque.
— Allô !…
— Allô !… c’est toi, Léa ?…
— François !…
— Tu es seule ?…
— Oui.
— Bien, ne m’interromps pas… Tu es en
danger… je vais venir te chercher… Je suis à Mar del Plata… Victoria Ocampo va
m’accompagner…
— Mais…
— Tiens-toi prête, dans la soirée.
— Laisse-moi parler… J’ai retrouvé
Daniel.
— Daniel ?
— Oui, il était prisonnier… il s’est
évadé…
— Comment va-t-il ?
— Pas très bien, il est blessé à la
poitrine.
— Grave ?
— Je ne sais pas.
— Fais très attention jusqu’à mon
arrivée…
— Allô !… allô !…
La communication était coupée. Elle
raccrocha.
À l’office, elle fit comprendre par gestes
qu’elle voulait qu’on lui prépare de quoi manger et qu’on mette la nourriture dans
un panier avec une bouteille d’eau. Le cuisinier, habitué aux extravagances de
ses maîtres, ne s’étonna pas. Léa emporta le panier dans sa chambre. Elle
sortit les victuailles, cacha dans le fond le linge, le costume et les
chaussures, puis remit le tout par dessus.
D’un air dégagé, Léa
traversa la pelouse et s’enfonça dans le bois. Elle n’avait rencontré personne.
— Daniel, appela-t-elle à voix basse.
Où était-il ? Désemparée, elle regarda
autour d’elle… là… l’herbe foulée… il était allongé sur le ventre dans un fossé
peu profond. Elle se glissa jusqu’à lui.
— Daniel…
Il ne bougea pas. Prise de peur, elle le
secoua. Il était évanoui. Avec difficultés, elle le retourna. Le pansement
avait glissé. Sous le sein droit, une large plaie purulente où se collaient de
la terre et des feuilles. Serrant les dents et les narines, elle versa de l’eau
sur la blessure. Nettoyée, l’horrible lésion était encore plus inquiétante. Quand
elle y versa de l’alcool, le blessé sursauta et ouvrit les yeux. Malgré sa
souffrance, il parvint à sourire.
— J’ai soif.
Léa fit glisser de l’eau entre les lèvres
brûlantes et lui lava le visage. Il parvint à se redresser et regarda sa
blessure.
— Ce n’est pas très beau.
— Tenez la compresse.
Une fois pansé, Léa l’aida à retirer son
pantalon déchiré et à mettre les vêtements apportés. Les chaussures étaient un
peu grandes.
— Vous voilà plus présentable. Maintenant,
il faut manger.
— Je n’ai pas faim.
— Moi si, et vous, vous devez faire un
effort… Là, c’est bien… Maintenant, écoutez-moi. François Tavernier a appelé… je
lui ai dit que vous étiez là… il vient nous chercher…
— Enfin une bonne nouvelle ! Quand
vient-il ?
— Dans la soirée… Vous croyez que vous
tiendrez le coup jusque-là ?
— Ne vous inquiétez pas. Vous n’auriez
pas apporté un peu d’alcool ?
— Tenez, j’y ai pensé. J’ai piqué une
bouteille d’armagnac.
— De l’armagnac ? Voilà qui me
remonte le moral. Léa…
— Oui ?
— Merci pour tout.
— Vous êtes bête… Attendez que l’on
soit sorti d’ici… Maintenant, je dois rentrer. Surtout ne changez pas d’endroit.
— Embrassez-moi.
Léa se pencha sur le front couvert de sueur
et y déposa un baiser.
— Mieux, fit-il en l’attirant.
Leurs lèvres se rencontrèrent. Léa réprima
un mouvement de dégoût : la fièvre le rongeait.
Bouleversé, il la regarda s’éloigner.
24.
Léa venait à peine de regagner sa chambre qu’un
bruit de cavalcade la mit à la fenêtre. Les cavaliers étaient de retour. Aussitôt,
la maison fut envahie de cris, de rires, de piétinements, de courses dans l’escalier.
Sa porte s’ouvrit sur Guillermina et Jaime qui se bousculaient pour entrer. Impossible
d’imaginer que c’était le même homme que celui de la veille. Rien d’une tête de
salaud.
— Comment ça va ?… mieux, je vois.
Vous nous avez manqué. Qu’avez-vous fait ?
— J’ai pique-niqué sous les arbres.
— Ça ne te regarde pas ce qu’elle a
fait, dit Guillermina. Pauvre chérie, vous avez dû vous ennuyer toute seule ?…
Vous allez vous rattraper ce soir. Je vais me changer, à tout à l’heure… Tu
viens, Jaime ?
— Va, je te rejoins.
— Faites attention, il se prend pour un
don Juan.
— Vas-tu filer, sale fille ? dit-il
en claquant brutalement la porte.
— C’est toujours comme cela entre
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