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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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marchait
depuis un bon moment, perdue dans ses pensées, quand elle perçut un bruit de
moteur. Instinctivement, elle recula dans le bois et se dissimula derrière un
arbre : comme pendant la guerre, pensa-t-elle. Une camionnette
poussiéreuse passa lentement. À l’intérieur, des hommes armés regardaient
attentivement de chaque côté du chemin. Plaquée contre le sol, Léa se félicita
d’avoir mis des vêtements sombres. Le véhicule s’éloigna. Le bruit du moteur s’était
éteint depuis longtemps quand elle se décida à quitter sa cachette et à
reprendre sa marche. À travers les arbres, elle aperçut une construction basse.
Après une courte hésitation, Léa se dirigea vers la bâtisse. Elle en fit le
tour… l’endroit avait l’air abandonné. Les quelques ouvertures, donnaient
toutes sur une cour intérieure encombrée d’herbes, de charrettes cassées, de
matériaux rouillés. Pas un bruit. Par une porte ouverte, elle entrevit une
pièce sordide remplie de détritus de toutes sortes. Au milieu, une vieille
table en bois aux pieds rongés disparaissait sous des assiettes, des verres
sales et des cendriers débordant de mégots de cigares et de cigarettes ; il
régnait dans la pièce une odeur de moisi et de tabac froid. Dans un coin, une
cheminée encrassée de suie où l’on avait brûlé des papiers. Léa toucha la
cendre, elle était encore tiède ; sur quelques feuillets épargnés par le
feu, s’alignaient des chiffres. À l’opposé de la cheminée, un épais matelas de
paille était étendu sur le sol. Et si le paquet de la nuit était caché là ?…
La paille était fraîche et propre, ce qui contrastait avec la saleté des lieux.
En éternuant, elle l’écarta. Bientôt une trappe apparut… fermée par un cadenas,
mais… le cadenas était ouvert ! Léa fit glisser la trappe sans trop de
difficultés. Une échelle de meunier descendait et se perdait dans un trou noir.
Il devait bien y avoir quelque chose pour s’éclairer, ici ?… Sur la table,
une vieille lampe à pétrole. Pas très rassurée, elle descendit, tenant la lampe
d’une main et de l’autre l’échelle. Ses pieds touchèrent un sol recouvert de
sable fin. Elle était dans une sorte de puits de terre d’où partait un
souterrain. « On se croirait dans les oubliettes de l’ancien château de
Saint-Macaire », se dit-elle. Le souvenir de ses excursions d’enfant lui
redonna courage. Courbée, elle s’enfonça dans le souterrain. Presque aussitôt, une
grille lui barra le chemin, mais celle-ci céda sous sa main. Là, elle put se
redresser. Par terre, sur le sol meuble, de la paille, des chiffons et des
chaînes. Une vraie prison de romans noirs !… À l’aide de la lampe, elle
examina les guenilles. En fait de guenilles, il s’agissait d’une veste de toile
déchirée et tâchée. Sans surprise, elle constata que c’était du sang. Avec
dégoût, elle jeta la veste puis, se ravisant, s’accroupit et examina les poches…
vides. Au ras du sol, près de l’endroit où était tombé le vêtement, une lueur… elle
gratta le sable et élargit la brèche jusqu’à pouvoir passer sa tête : elle
respira avec volupté le parfum de la terre boisée. Elle éteignit la lampe et, à
l’aide du pied, agrandit l’ouverture. Quelqu’un était passé par là il y avait
peu de temps, ce qui expliquait la relative facilité du travail. Enfin, elle se
retrouva à l’air libre, entre les racines d’un arbre d’une hauteur
impressionnante dont les troncs multiples formaient à eux seuls un petit bois. Tout
autour, des plantes écrasées, des marques profondes montraient que plusieurs
personnes avaient examiné le sol autour de l’arbre. Secouant ses cheveux et ses
vêtements cou- verts de terre, Léa suivit les traces et se retrouva sur le
chemin. Elle revint sur ses pas, s’assit et s’appuya contre un des troncs, tout
en se disant qu’elle ne devait pas moisir ici. Fatiguée, elle s’assoupit.
    Le bruit d’une chute, un gémissement étouffé
la tirèrent de sa torpeur. Elle ouvrit les yeux, une main se plaqua sur ses
lèvres, éteignant son cri.
    — Taisez-vous, ne dites rien !… Calmez-vous !…
Non, vous ne rêvez pas, je peux vous lâcher ?
    Oui, fit-elle de la tête.
    C’était Daniel !… Daniel, sale, barbu, les
yeux injectés de sang, la poitrine nue ceinte d’un pansement dégoûtant, sans
chaussures, le pantalon en lambeaux.
    — C’était vous qu’ils transportaient la
nuit

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