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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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seraient partis sans moi, je suppose. »
Mais c’était aller plus loin que la conclusion logique, et son jugement rétablit
les choses. « Non, peut-être pas. J’ai servi à quelque chose. Mais qu’est-ce
qui m’a pris de secourir cet homme comme si c’était un enfant sans défense !
Ah, dit-elle, les mains crispées, il n’est pas étonnant que les gens m’aient crue
amoureuse de lui, après m’avoir vue me donner ainsi en spectacle. Moi, amoureuse !
Et de lui, par-dessus le marché ! » Ses joues pâles s’embrasèrent soudain,
et elle se couvrit le visage des mains. Lorsqu’elle les retira, ses paumes étaient
humides de larmes brûlantes.
    « Oh, je suis tombée bien bas si l’on peut dire cela de
moi ! Je n’aurais pu être aussi courageuse pour qui que ce soit d’autre, pour
la simple raison que lui, il m’était totalement indifférent, voire franchement odieux.
Je n’en ai été que plus soucieuse que la justice soit respectée de part et d’autre ;
or, ladite justice, j’ai pu la mesurer ! Non, ce n’était pas juste, dit-elle
avec véhémence, qu’il soit là, à l’abri, en attendant la troupe, qui aurait pu prendre
ces malheureuses créatures dans un piège, sans le moindre effort de sa part pour
les ramener à la raison. Et il était parfaitement injuste de leur part de l’agresser
comme ils s’y préparaient. Si c’était à refaire, je le referais, quoiqu’on puisse
dire. Si j’ai évité un seul coup, une seule action cruelle provoquée par la colère,
j’ai fait mon devoir de femme. Qu’ils insultent ma pudeur et ma fierté à leur aise,
j’ai ma conscience pour moi ! »
    Elle releva les yeux et une noble sérénité envahit ses traits,
les adoucit jusqu’à ce que son visage semblât « plus paisible qu’un bloc de
marbre ciselé [54]  ».
    Dixon entra :
    — Excusez-moi, Miss Margaret, le matelas à eau de
Mrs Thornton est arrivé. Il est trop tard pour l’utiliser ce soir, malheureusement,
car Madame est presque endormie, mais il fera l’affaire dès demain.
    — Très bien, répondit Margaret. Il faut que vous fassiez
transmettre nos remerciements.
    Dixon quitta la pièce quelques instants.
    — Excusez-moi, Miss Margaret, le domestique dit qu’il
doit s’enquérir tout exprès de votre état. Sans doute a-t-il confondu avec votre
mère ; mais il a ajouté que les derniers mots de son maître était de demander
comment allait Miss Hale.
    — Moi ! s’exclama Margaret en se redressant. Je me
sens tout à fait bien. Dites-lui que je me porte à merveille.
    Mais elle était très pâle, blanche comme un linge, et sa tête
lui faisait un mal affreux. Mr Hale entra sur ces entrefaites. Il avait laissé
sa femme endormie et Margaret vit qu’il avait envie d’être distrait et intéressé
par ce qu’elle pourrait avoir à lui raconter. Elle s’arma d’une infinie patience
pour supporter sa douleur en silence et trouver tant bien que mal une multitude
de petits sujets de conversation – à l’exception de l’émeute, à laquelle elle ne
fit pas la moindre allusion. Cette seule idée lui soulevait le cœur.
    — Bonne nuit, Margaret. Je crois que je vais passer une
nuit tranquille ; mais toi, tu es très pâle, à force de veiller. J’appellerai
Dixon si ta mère a besoin de quoi que ce soit. Va te coucher et dors à poings fermés ;
je suis sûr que tu en as bien besoin, ma pauvre enfant !
    — Bonne nuit, papa.
    L’étau de sa volonté se desserra, la libérant de ses pénibles
astreintes : son sourire forcé s’éteignit, ses couleurs disparurent et une
douleur intense lui voila le regard. Elle allait sans doute se sentir malade et
épuisée jusqu’au matin. Elle se coucha et ne bougea plus d’un pouce. Déplacer une
main, un pied, fût-ce même un doigt, eût été un effort dont elle était incapable,
physiquement aussi bien que moralement. Elle était si lasse, si assommée, qu’elle
crut ne pas devoir fermer l’œil ; ses pensées fiévreuses passaient et repassaient
la frontière entre veille et sommeil, et restaient hélas ! toujours identiques.
La solitude même lui échappait : malgré sa prostration, une nuée de visages
se levait vers elle ; ils ne lui donnaient pas l’impression d’une colère vive
et féroce ni d’un danger personnel, mais plutôt un sentiment de honte profonde à
se trouver ainsi le point de mire de tous – un sentiment de honte si aigu qu’elle
aurait voulu rentrer sous terre

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