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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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voluptueuse de la bouche dont les
commissures se creusaient de fossettes, tout cela était fort pâle ce matin ;
l’absence de sa bonne mine habituelle était encore soulignée par son épaisse chevelure
sombre, ramenée sur ses tempes en bandeaux afin de cacher toute trace du coup qu’elle
avait reçu. Malgré ses paupières mi-closes, elle rejetait légèrement la tête en
arrière, dans l’attitude fière qui lui était familière. Ses longs bras pendaient,
immobiles, à ses côtés. À tout prendre, elle avait l’air d’une prisonnière faussement
accusée d’un crime qu’elle abhorre et méprise, mais trop indignée pour s’abaisser
à se justifier.
    Mr Thornton fit un ou deux pas rapides en direction de Margaret,
puis se reprit et se dirigea avec une détermination tranquille vers la porte qu’il
ferma. Il revint alors quelques instants en face d’elle pour s’imprégner de sa gracieuse
présence avant de se risquer à la troubler, voire à la rebuter par ce qu’il devait
lui dire.
    — Miss Hale, je me suis montré très ingrat hier...
    — Vous n’aviez aucune raison d’avoir la moindre gratitude,
répondit-elle en levant les yeux et en le regardant bien en face. Vous voulez dire,
je suppose, que vous estimez devoir me remercier pour ce que j’ai fait.
    Malgré elle, comme pour narguer sa propre colère, elle rougit
jusqu’aux oreilles, mais son regard ne se départit pas pour autant de son expression
grave et ne quitta pas Mr Thornton.
    — Ce n’était qu’un instinct naturel ; toute femme eût
agi exactement de la même manière. Nous sommes toutes conscientes du privilège que
représente le caractère sacré de notre sexe lorsque nous nous trouvons face à un
péril grave. C’est plutôt moi, ajouta-t-elle précipitamment, qui devrais m’excuser
de vous avoir tenu des propos inconsidérés qui vous ont poussé à descendre et à
braver le danger.
    — Ce ne sont pas vos paroles qui m’ont poussé, mais la vérité
qu’elles contenaient, malgré la manière caustique dont vous vous êtes exprimée.
Mais ne croyez pas vous dérober ainsi à l’expression de ma gratitude profonde, mon...
– il touchait presque au but, mais ne souhaitait pas parler trop vite de son ardente
passion ; il voulait peser chaque mot.
    Oui, il le voulait et sa volonté triompha : il s’arrêta
à mi-course.
    — Je ne cherche pas à me dérober à quoi que ce soit, dit-elle.
J’affirme simplement que vous ne me devez aucune reconnaissance ; j’ajouterai
que toute expression m’en sera pénible car j’estime ne pas la mériter. Cependant,
si cela doit vous permettre de vous libérer d’une obligation toute imaginaire, alors,
je vous en prie, parlez.
    — Je ne souhaite pas me libérer d’une quelconque obligation,
dit-il, piqué par le calme de Margaret. Imaginaire ou non – je ne me pose pas de
question quant à sa nature ; il me plaît de croire que je vous dois la vie
–, oui, vous pouvez sourire et juger à votre aise que c’est une exagération. Moi,
je le crois car cela ajoute de la valeur à cette vie de penser... oh,
Miss Hale, poursuivit-il en baissant la voix avec une passion si tendre et
si intense que Margaret frémit visiblement – de penser que les circonstances sont
ainsi faites que désormais quand je me sentirai heureux d’être en vie, je pourrai
me dire : « Toute cette joie de vivre, toute l’honnête fierté que me donne
mon travail, ce sentiment aigu et profond d’exister, c’est à elle que je les dois ! »
Et cette pensée redouble la joie, fait flamber la fierté, et avive le sentiment
d’exister à ce point que je ne sais plus si cela m’est une joie ou une douleur de
me répéter que je le dois à une personne... je vous en prie, écoutez-moi, je vous
en conjure, poursuivit-il en faisant un pas vers elle avec une détermination opiniâtre
– à une personne que j’aime comme aucun homme, je crois, n’a jamais aimé une femme.
    Il lui prit la main et la tint serrée dans la sienne. Haletant,
il attendait la réponse imminente. Il rejeta cette main avec indignation en entendant
le ton glacial de Margaret ; car il était bel et bien glacial, même si les
mots se bousculaient dans sa bouche comme si elle ne savait où les trouver.
    — Votre discours me choque. Il est offensant. Je n’y peux
rien, c’est là mon premier sentiment. Je ne réagirais sans doute pas ainsi si je
comprenais le genre de sentiment dont vous parlez. Je ne veux pas vous

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