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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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preuve ? Était-ce donc cette
malencontreuse journée d’hier ? Si besoin était, elle referait le même geste
demain – le plus volontiers du monde s’il s’agissait de venir en aide à un mendiant
infirme, mais même pour lui, elle le referait, tout aussi courageusement, malgré
les conclusions qu’il pourrait en tirer et malgré l’impertinence malveillante des
commentaires féminins. Elle avait agi ainsi parce qu’il était légitime, simple et
juste de sauver un être qu’elle pouvait sauver ; ou même seulement tenter de
sauver. Fais ce que tu dois, advienne que pourra *. Après le départ de
Mr Thornton, elle était restée là où il l’avait laissée ; aucun fait extérieur
ne l’avait distraite de l’abîme de réflexion où l’avaient plongée ses derniers mots
et le regard ardent et passionné de ses yeux, dont l’intensité l’avait forcée à
baisser les siens. Elle alla jusqu’à la fenêtre et l’ouvrit d’un geste brusque afin
de dissiper l’atmosphère oppressante qu’elle sentait autour d’elle. Puis elle alla
ouvrir la porte, mue par une sorte de désir impétueux de dissiper les souvenirs
de l’heure passée grâce à la compagnie des autres ou à une activité physique. Mais
un profond silence régnait dans le calme méridien d’une maison où une malade rattrape
ses insomnies de la nuit par un sommeil peu réparateur. Margaret ne voulait pas
rester seule. Que pouvait-elle faire ? « Aller rendre visite à Bessy Higgins,
voyons », pensa-t-elle, tandis que lui revenait en mémoire le message envoyé
la veille au soir. Elle se mit donc en route. En arrivant, elle trouva Bessy allongée
sur le divan, qu’on avait approché du feu, bien que la journée fût oppressante et
lourde. Elle était étendue presque à plat, sans force, comme si elle se reposait
après une crise douloureuse. Margaret se dit qu’elle devrait être installée de façon
à avoir le buste un peu plus relevé pour pouvoir respirer plus facilement. Sans
rien dire, elle redressa Bessy et arrangea ses oreillers pour qu’elle se sente plus
à l’aise malgré sa grande faiblesse.
    — Je croyais que je vous reverrais plus, dit enfin celle-ci,
son regard pensif fixé sur le visage de Margaret.
    — On dirait que vous allez beaucoup plus mal. Mais je n’ai
pas pu venir hier, parce que ma mère était très malade... et pour d’autres raisons,
dit Margaret en rougissant.
    — Vous devez trouver que j’ai eu du toupet d’envoyer Mary
vous chercher. Mais toutes ces disputes et ce bruit m’avaient cassé la tête et quand
mon père est parti, je me suis dit : « Oh, si je pouvais seulement entendre
la demoiselle me lire des paroles de paix et de promesses, je pourrais m’en aller
dans le silence et le repos de Dieu, comme un bébé qui se tait et s’endort en entendant
sa mère lui chanter une berceuse. »
    — Voulez-vous que je vous lise un passage de la Bible maintenant ?
    — Oh, oui ! Peut-être bien qu’au début, j’écouterai
pas le sens ; ça me paraîtra lointain – mais quand vous arriverez aux mots
que j’aime, aux textes qui me requinquent, ils me paraîtront proches à l’oreille,
et j’aurai l’impression qu’ils me traversent, comme qui dirait.
    Margaret commença. Bessy s’agitait en tous sens. Si elle faisait
un bref effort d’attention quelques instants, on eût dit qu’ensuite, sa nervosité
redoublait. Elle finit par s’écrier :
    — Arrêtez de lire. Ça sert à rien. Dans ma tête, je blasphème
tout le temps, en pensant à des choses qu’on y peut rien, que ça me rend furieuse.
Vous avez dû entendre parler des émeutes à Marlborough Mills, hier ? l’usine
de Thornton, vous savez ?
    — Votre père n’y était pas, je suppose ? dit Margaret,
dont le visage s’empourpra.
    — Non, non. Il aurait donné sa main droite pour que ça arrive
pas. C’est ça qui me soucie. Il en est malade. C’est pas la peine de lui dire que
les imbéciles savent jamais où s’arrêter, on a jamais vu un homme aussi découragé.
    — Mais pourquoi ? demanda Margaret. Je ne comprends
pas.
    — Ben, c’est qu’il fait partie du comité qui s’occupe de
cette grève-là. Les gens du syndicat l’ont nommé parce que... je devrais pas le
dire, je sais bien... parce qu’ils le trouvent malin et franc comme l’or. Alors,
avec les autres types du comité, ils ont préparé leur affaire. Ils devaient se tenir
les coudes quoi qu’il arrive ; fallait

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