Nord et sud
pasteur
dans une paroisse de campagne, comme moi ; il a été écrit par un certain
Mr Oldfield, pasteur de Carsington, dans le Derbyshire, il y a cent soixante
ans ou plus. Ses épreuves sont terminées. Il a mené le bon combat.
Il prononça ces deux dernières phrases à voix basse, comme s’il
se les adressait à lui-même. Puis il lut tout haut :
— Lorsque tu ne pourras plus poursuivre ta tâche sans déshonorer
Dieu, discréditer ta religion, renoncer à ton intégrité, blesser ta conscience,
anéantir ta paix et compromettre ton salut, en un mot lorsque les conditions dans
lesquelles il te faudrait continuer à exercer ton ministère (si tant est que tu
veuilles continuer à l’exercer) sont criminelles et non sanctionnées par la parole
de Dieu, tu peux, et même tu dois, te persuader qu’en étant réduit au silence, suspendu,
destitué, mis à l’écart, tu serviras la gloire de Dieu et les intérêts de l’Évangile.
Si Dieu ne t’utilise pas d’une façon, il le fera d’une autre. L’âme qui désire le
servir et l’honorer ne manquera jamais d’occasions de le faire, et tu ne dois pas
avoir de l’Être saint d’Israël une idée si bornée que tu le croies incapable de
te laisser lui rendre gloire de plus d’une manière. Il peut se servir de ton silence
au même titre que de tes prédications ; de ta mise à l’écart autant que de
la poursuite de ton travail. Ce n’est pas parce que l’on rend à Dieu le plus grand
service ou que l’on accomplit la tâche la plus lourde que l’on réussira à excuser
le moindre péché, même si ce péché nous a permis de remplir ce devoir ou en a été
l’occasion. Tu recevras peu de remerciements, ô mon âme ! Si, le jour où tu
es accusée d’avoir corrompu le culte de Dieu et dénaturé tes vœux, tu prétends que
cela était nécessaire à la poursuite de ton ministère.
Tandis qu’il lisait ces phrases et parcourait des yeux d’autres
passages, il sentit sa résolution s’affermir et eut le sentiment que lui aussi était
capable d’agir avec courage et fermeté en faisant ce qu’il estimait être juste.
Mais lorsqu’il eut fini, il entendit les sanglots étouffés et convulsifs de Margaret
et son courage vacilla sous le poids de son chagrin déchirant.
— Ma petite fille ! dit-il en l’attirant contre lui,
pense aux martyrs des premiers jours ; pense aux milliers qui ont souffert.
— Mais, père, répliqua-t-elle en levant pour la première
fois son visage rougi et baigné de larmes, les premiers martyrs ont souffert pour
la vérité alors que vous... oh, mon cher papa, papa chéri !
— Je souffre pour ma conscience, mon enfant, dit-il avec
une dignité tremblante, tant sa sensibilité était exacerbée. Je dois faire ce qu’elle
ordonne. J’ai longtemps supporté des remords qui auraient poussé à l’action un esprit
moins paresseux et moins lâche que le mien.
Il secoua la tête et poursuivit :
— Le plus cher désir de ta pauvre mère a été enfin exaucé
avec l’ironie que le sort réserve trop souvent aux désirs les plus chers – ces pommes
de Sodome –, provoquant cette crise dont je devrais être reconnaissant, et j’espère
l’être comme il convient. Il n’y a pas un mois, l’évêque m’a proposé une autre charge ;
si je l’avais acceptée, j’aurais été contraint de faire une nouvelle déclaration
de conformité à la liturgie lors de mon investiture. Margaret ; j’ai essayé ;
j’ai essayé de me contenter de refuser simplement l’avancement qui m’était offert
par ailleurs, et de rester tranquillement ici en réduisant encore au silence cette
conscience que j’avais déjà malmenée auparavant. Que Dieu me pardonne !
Il se leva, arpenta la pièce en proférant à voix basse des paroles
de reproche et de mortification, dont Margaret fut heureuse de ne percevoir que
des bribes. Puis il dit :
— Margaret, je reviens à ce qui nous chagrine tant :
il nous faut quitter Helstone.
— Oui, je le conçois. Mais quand ?
— J’ai écrit à l’évêque... je pense te l’avoir dit, mais
j’oublie tant de choses en ce moment, dit Mr Hale en retombant dans l’abattement
qui était le sien sitôt qu’il lui fallait aborder de pénibles détails concrets.
Je l’ai informé de mon intention de démissionner de ma cure. Il a été très bienveillant
et a essayé de me raisonner en avançant toutes sortes d’arguments, mais en vain...
en vain. C’étaient
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