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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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plusieurs reprises
la bouche pour parler, mais la referma chaque fois sans avoir eu le courage de prononcer
un mot. Incapable de supporter le spectacle de cette indécision, encore plus pénible
pour son père que pour elle, Margaret demanda :
    — Mais pourquoi, cher papa ? Dites-le-moi, je vous
en prie !
    Il leva soudain les yeux vers elle et dit d’une voix lente et
volontairement calme :
    — Parce que je ne puis plus être ministre de l’église anglicane.
    Margaret s’était imaginée pour le moins que l’une des promotions
que sa mère désirait tant avait enfin été attribuée à son père – le forçant ainsi
à quitter son beau hameau bien-aimé pour aller vivre dans l’une de ces majestueuses
et silencieuses enceintes de cathédrales que Margaret avait parfois vues dans les
villes épiscopales. C’étaient des lieux solennels et imposants, mais s’il fallait
pour y vivre renoncer à jamais à habiter Helstone, ce serait un chagrin durable
et tenace. Cependant, ce n’était rien comparé au choc suscité par la dernière réplique
de Mr Hale. Que pouvait-il bien vouloir dire ? L’énoncé était si mystérieux
qu’il n’en était que plus inquiétant. Et la détresse pitoyable qui se lisait sur
son visage, comme s’il implorait l’indulgence et la bienveillance de sa fille, lui
nouèrent brusquement l’estomac. Avait-il été impliqué dans quelque action de Frederick ?
Frederick était hors-la-loi. Son père s’était-il, par amour pour son fils, fait
complice...
    — Oh ! Dites-moi de quoi il s’agit ! Je vous en
prie, papa, parlez ! Racontez-moi tout ! Pourquoi ne pouvez-vous plus
être pasteur ? À n’en pas douter, si l’évêque en savait aussi long que nous
sur Frederick, et l’injustice, la difficulté...
    — Cela ne concerne nullement Frederick ; et l’évêque
n’a rien à voir là-dedans. Il s’agit uniquement de moi. Je vais te dire ce qu’il
y a, Margaret. Je répondrai à toutes tes questions aujourd’hui, à condition que
nous n’abordions plus jamais le sujet ensuite. Je peux assumer les conséquences
de mes tristes et douloureux doutes ; mais c’est pour moi un effort insupportable
de parler de ce qui m’a causé pareilles souffrances.
    — Des doutes, papa ! Des doutes sur la religion ?
demanda Margaret, plus atterrée que jamais.
    — Non ! Pas sur la religion. Tout est intact de ce
côté-là.
    Il s’arrêta et Margaret soupira, comme si elle redoutait de découvrir
quelque nouvelle horreur. Il reprit, parlant rapidement, comme s’il voulait en finir
avec la corvée qu’il s’était assignée.
    — Tu ne pourrais comprendre pleinement, si je te le racontais,
ni l’angoisse que j’éprouve depuis des années à me demander si j’ai le droit d’occuper
mes fonctions, ni les efforts que j’ai déployés pour faire taire mes doutes sournois
en m’abritant derrière l’autorité de l’Église. Oh, Margaret, comme j’aime la sainte
Église dont je vais être exclu !
    Pendant quelques instants, il fut incapable de poursuivre. Margaret
ne savait que dire ; la situation lui semblait aussi mystérieuse que si son
père s’apprêtait à devenir mahométan.
    — Aujourd’hui, j’ai lu dans un livre l’épisode des deux
mille pasteurs renvoyés de leurs églises [12] , poursuivit Mr Hale en esquissant
un sourire, et j’ai essayé de m’inspirer de leur courage ; mais en vain, en
vain, et je souffre vivement de cette incapacité.
    — Mais, papa, avez-vous bien réfléchi ? Oh, cela semble
si terrible, si affreux, dit Margaret, éclatant soudain en sanglots.
    Le fondement même de sa famille, l’idée qu’elle avait de son
père bien-aimé, semblait s’ébranler et vaciller. Que dire ? Que faire ?
En voyant sa détresse, Mr Hale prit sur lui afin d’essayer de la réconforter.
Il ravala les sanglots secs qui jusqu’alors lui gonflaient le cœur et l’étouffaient,
se dirigea vers sa bibliothèque où il saisit un livre qu’il lisait souvent ces derniers
temps et où il avait, pensait-il, puisé la force de choisir la voie sur laquelle
il s’était engagé.
    — Écoute, ma petite Margaret, dit-il en passant un bras
autour de la taille de sa fille.
    Elle prit sa main dans les siennes et la serra très fort, mais
sans pouvoir relever la tête ; et elle ne prêta guère attention non plus à
ce qu’il lisait tant son agitation intérieure était grande.
    — C’est le monologue d’un homme qui était jadis

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