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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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certaines
mesures affectent beaucoup de gens, sont des victimes pour le bien du plus grand
nombre. La question est toujours la même : tout a-t-il été fait pour réduire
au maximum les souffrances de ces exceptions ? Ou bien, dans ces processions
triomphales où se presse la foule, des malheureux ont-ils été piétines au lieu d’être
doucement soulevés par des mains secourables et écartés du trajet du conquérant,
qu’ils ne peuvent accompagner dans sa marche ?
    Ce fut à Margaret qu’incomba la tâche de chercher une domestique
pour aider Dixon, qui avait d’abord entrepris de trouver une personne à sa convenance
pour faire tous les gros travaux de la maison. Mais l’idée qu’avait Dixon d’une
aide ancillaire se fondait sur le souvenir d’élèves à la mise soignée, choisies
parmi les plus âgées de l’école de Helstone, et qui n’étaient que trop fières d’être
autorisées à venir au presbytère le jour où il y avait fort à faire. Elles traitaient
Mrs Dixon avec autant de respect qu’elles en témoignaient à Mr et
Mrs Hale, et la redoutaient davantage. Dixon, qui n’était pas sans remarquer
la considération teintée de crainte qu’elle inspirait, ne s’en offusquait pas, au
contraire. Elle en était flattée autant que Louis XIV lorsque ses courtisans s’abritaient
les yeux pour ne pas être éblouis par sa radieuse présence. Seule la dévotion de
Dixon pour Mrs Hale lui avait permis de supporter la désinvolture et la brusquerie
avec laquelle toutes les filles de Milton venues se présenter pour la place de domestique
avaient répondu à ses questions concernant leurs qualifications. Elles étaient même
allées jusqu’à l’interroger en retour, ayant pour leur part quelques doutes et quelques
craintes quant à la solvabilité d’une famille qui vivait dans une maison à trente
livres par an, mais se donnait des airs et employait deux domestiques dont l’une
se poussait fort du col. Ici, Mr Hale n’était plus le pasteur de Helstone ;
on ne voyait en lui qu’un homme qui dépensait avec parcimonie. Margaret était lasse
des comptes rendus réguliers de Dixon à Mrs Hale sur le comportement des candidates
au service domestique, et en éprouvait quelque agacement. Non qu’elle ne fût rebutée
par les manières grossières et indélicates de ces filles ; non que sa fierté
ombrageuse ne s’offusquât de la familiarité désinvolte avec laquelle elles l’abordaient
et de la curiosité sans vergogne qu’elles manifestaient quant aux ressources et
à la position d’une famille vivant à Milton sans le moindre lien avec un commerce
quelconque. Mais plus Margaret était sensible à l’impertinence, moins elle était
disposée à en parler ; et elle se dit que si elle se chargeait personnellement
de rechercher une domestique, elle pourrait éviter à sa mère le récit de toutes
ses déceptions et des avanies réelles ou supposées qu’elle avait endurées.
    En conséquence, Margaret se rendit chez tous les bouchers et
les épiciers de la ville, en quête de la perle rare. Chaque semaine, ses attentes
et ses espoirs diminuaient à force de mesurer la difficulté de trouver dans une
ville manufacturière une jeune personne qui ne préférât pas le salaire plus élevé
et l’indépendance du travail à l’usine. Ce fut une épreuve pour elle de sortir seule
dans cette ville si active. Mrs Shaw, avec ses idées bien arrêtées sur les
convenances et la faiblesse féminine, avait toujours insisté pour que jamais Edith
et Margaret ne sortent sans être escortées par un valet de pied si elles devaient
se rendre plus loin que le bout de Harley Street ou dans le voisinage immédiat.
À l’époque, Margaret avait renâclé en silence contre cette règle qui restreignait
son indépendance ; elle avait apprécié deux fois plus la liberté de ses promenades
et de ses expéditions en forêt, au vu du contraste qu’elles offraient. Elle marchait
sans peur, d’un pas élastique, et se mettait parfois à courir si elle était pressée,
ou s’arrêtait et restait immobile si elle voulait écouter chanter l’une des créatures
sauvages de la forêt ou observer les yeux brillants qui l’épiaient, à l’abri des
broussailles ou des buissons d’ajoncs. Il lui était pénible de renoncer à cette
liberté guidée par son seul bon plaisir et de se brider pour adopter l’allure régulière
et digne qui s’imposait dans les rues d’une ville. Mais elle eût

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