Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
monde, puisqu’il est revendiqué désormais par l’ensemble des institutions religieuses et toute la classe politique, de gauche à droite. Le moment est donc bienvenu pour glisser à son propos deux remarques.
Une loi fille des circonstances
La loi de 1905, comme on vient de le voir, est le produit d’une histoire particulière. Elle n’est pas une vérité qui un jour a été révélée à la République par la déesse Raison comme les tables de la Loi le furent par Dieu à Moïse ou le Coran au prophète Mahomet. Elle n’a rien de sacré. Comme toutes les œuvres humaines, elle est imparfaite et il n’y a aucune raison de s’interdire de penser à l’occasion les moyens de l’améliorer.
Par ailleurs, elle fonde un modèle de laïcité qui existe dans peu d’autres pays occidentaux. Contrairement à ce que pensent quelques laïcards trop chauvins, cela ne rend pas forcément ces derniers moins respectueux de la liberté de conscience de leurs citoyens, ou plus soumis à quelque terrible tutelle cléricale. Le rapport à la religion est différent ailleurs parce que, à tel moment de leur histoire, les rapports de force entre le spirituel et le temporel n’ont pas été les mêmes que dans le nôtre. Prenons l’Angleterre – devenue plus tard le Royaume-Uni. Cette nation s’est fondée au xvi e siècle sur la rupture avec Rome et le rejet forcené des papistes puis, au xvii e , sur la défaite de la dynastie qui voulait les rétablir au pouvoir (les Stuarts). Dans ce pays, au début du xix e siècle, militer pour plus de tolérance ne revient donc pas à se battre contre la religion en général, mais à défendre le droit des catholiques opprimés de pratiquer la leur. Il s’agit d’en finir avec les lois discriminatoires dont ils sont victimes. L’une d’entre elles leur interdisait par exemple, jusqu’aux années 1830, de se présenter aux élections.
Dans un pays comme l’Allemagne, partagé entre catholiques et protestants, l’esprit de justice pousse plutôt à réussir à tenir la balance entre les deux, d’autant que le fléau a pu aller très loin d’un seul côté : dans les années 1870-1880, Bismarck lance le Kulturkampf , un combat brutal contre les catholiques. Il ne s’agit pas, comme en France à pareille époque, de contrer une Église en position de force. Il s’agit, pour le chancelier de fer, de s’assurer de la loyauté des fidèles à un empire dont l’unité s’est faite sous l’égide de prussiens luthériens.
Dans notre pays, l’histoire de l’émancipation a donc pris la forme du combat contre le culte romain, parce qu’il était dominant, qu’il n’entendait rien perdre de ses prérogatives, et qu’il était très opposé au régime choisi par les citoyens. Ce combat a pu conduire, sous la Révolution ou au tournant du xx e siècle, à des excès. L’anticléricalisme des « bouffeurs de curés » a pu être féroce. Il est juste de souligner néanmoins que les hommes politiques qui pilotèrent la loi de 1905 et son application le firent avec beaucoup de modération. Ni Briand qui pensa le texte, ni Jaurès qui le soutint, ni les gouvernements qui eurent à le faire appliquer par la suite ne furent des forcenés de l’athéisme. Certains catholiques continuent à penser cette histoire comme celle de leur persécution. On doit plutôt la lire comme celle du souci permanent du compromis. Contrairement à ce qu’espéraient certains, les pères de la laïcité n’ont jamais cherché à déchristianiser la France, comme leurs aïeux avaient pu le tenter – de façon assez brève – au moment de la Révolution. On pourrait même, en toute équité, reprocher à la République de s’être arrêtée en chemin. Un pur laïque est parfaitement en droit de regretter par exemple que, dans un État qui se veut neutre sur le plan religieux, l’on continue à imposer à tous les citoyens tant de fêtes qui ne concernent qu’une partie d’entre eux, comme Noël, fête de la nativité du Christ, ou le 15 août, fête de la Vierge.
Il n’empêche, au-delà des circonstances qui ont présidé à sa naissance, la laïcité a posé des principes qui doivent rester, aux yeux de tous, insurpassables, car ils sont à la base même de la démocratie. Quels sont-ils ? D’une part qu’aucune religion ne doit être en mesure d’imposer ses vues, sa morale, ses croyances à chacun. D’autre part – et cela doit s’entendre sur un même plan –
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