Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
voit que la période est riche en grands épisodes fondateurs.
Repères
– 1795 : première séparation des cultes et de l’État
– 1801 : signature du Concordat, le catholicisme de nouveau religion officielle
– 1882 : loi Ferry sur la laïcité de l’école
– 1884 : autorisation du divorce ; fin des prières au début des sessions parlementaires
– 1886 : loi sur laïcisation des personnels enseignants
– 1901 : loi sur les associations ; exil de la plupart des congrégations
– 1905 (9 décembre) : loi de séparation des Églises et de l’État
Une laïcisation par étapes
Cette séparation n’est pas une première dans notre histoire. L’État s’était déjà affranchi de tous les cultes plus de cent ans auparavant, à la fin de la Convention puis sous le Directoire, à l’époque de la Révolution. Bonaparte y avait mis fin en signant avec le pape le fameux Concordat de 1801, suivi de textes organisant les deux autres cultes minoritaires, protestant et israélite, et faisant de la religion catholique et des deux autres des institutions publiques, dont le clergé était payé par l’État, et l’organisation maintenue sous sa surveillance. C’est ce système concordataire que la nouvelle loi jette à bas, en le remplaçant par un autre qui repose sur deux principes, énoncés dans ses deux premiers paragraphes : « Article 1 : la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. […] Article 2 : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte… » La laïcité à la française était née. Plus d’un siècle plus tard, elle fonctionne encore sur cette base qui semble désormais acceptée par tous.
Il n’a pas été simple, pourtant, d’en arriver là. Le lent combat de l’État pour s’émanciper de la tutelle de la religion a été progressif. Le pays a mis plus d’un siècle à franchir peu à peu ce qu’un des grands spécialistes de la question, l’historien Jean Baubérot, a appelé les « seuils de laïcité ». La Révolution, en retirant aux curés la gestion des registres de naissance et de décès, a laïcisé l’état civil. La III e République reprend le mouvement, pas à pas : le divorce, permis sous la Révolution puis interdit sous Louis XVIII, est autorisé à nouveau ; les cimetières sont laïcisés ; les hôpitaux, alors encore emplis de frères et de religieuses, le sont aussi ; on lève l’interdiction de travailler le dimanche, comme la prière qui jusque-là ouvrait les sessions du Parlement. Une marche énorme est escaladée lorsque l’État retire à l’Église un de ses domaines de prédilection : l’enseignement. Dans les années 1880, les grands textes impulsés par Jules Ferry et ses successeurs prévoient que l’instruction primaire sera obligatoire et gratuite. Ils prévoient aussi qu’elle sera « laïque ». On commence par rendre neutres les locaux – retrait des crucifix des salles de classe –, puis les programmes – le catéchisme est remplacé par « l’instruction morale et civique ». On passe (en 1886) à la « laïcisation des personnels », autre paire de manches : cela revient en effet à chasser des écoles les milliers de frères et de religieuses qui y travaillaient. Nombre d’entre eux choisissent carrément de quitter la France, cette mauvaise mère. Du côté catholique, l’épisode est vécu comme une « persécution ».
Car tout se passe, évidemment, dans un climat politique de grande tension. Le bras de fer entre Église et État a commencé, on s’en souvient, sous la Révolution. Il reprend de plus belle. En 1877, dans un discours fameux, Gambetta a fixé la ligne qui sera celle de tous les républicains : « Le cléricalisme voilà l’ennemi ! » Stricto sensu , le propos pourrait être acceptable par tout le monde : il ne s’agit pas de combattre la religion , mais le cléricalisme , c’est-à-dire sa prétention à vouloir régenter le champ politique.
Dans la réalité, beaucoup l’entendent autrement. Avec la lutte anticléricale, de nombreux républicains rêvent d’en finir une fois pour toutes avec ceux qu’ils tiennent pour les ennemis de la liberté humaine, les amis des rois et des puissants, les « corbeaux », la « calotte », comme on dit alors. L’Église, à l’inverse, est vent debout contre les « sans-Dieu » qui la menacent, tous ces francs-maçons perfides
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