Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
est catholique. En gros, toutes les idées qui forment aujourd’hui la base de la pensée commune à tous les démocrates sont rejetées alors comme filles de Satan. Le pape Jean-Paul II, à la fin du xx e siècle, passait dans les médias pour être le « pape des droits de l’homme ». Tous les défenseurs des libertés humaines ne pouvaient que se réjouir de trouver à leurs côtés un allié d’un tel poids. Il ne leur est pas interdit de se souvenir que, cent ans plus tôt, la juxtaposition même des termes « pape » et « droits de l’homme » aurait valu l’excommunication à qui l’aurait risquée. Les hommes n’ont pas de droits, disait le catholicisme du xix e siècle, ils ont des devoirs envers Dieu.
Parmi les catholiques, certains refusent cette voie qui leur semble sans issue. Durant la première moitié du xix e siècle, le plus grand nom parmi ces rebelles est celui de Félicité de Lamennais. Dans sa jeunesse, il a été un prêtre ultramontain , c’est-à-dire un défenseur inconditionnel du pouvoir des papes – ceux qui règnent à Rome et sont donc, vus de France, au-delà des monts . Puis il évolue, et cherche en permanence à concilier sa foi avec les idées nouvelles. Obsédé par la question ouvrière, il ira jusqu’au socialisme. Dès 1830, il fonde L’Avenir , un journal qui a pour devise « Dieu et liberté », et cherche à défendre la liberté de la presse et la liberté de conscience tout en restant catholique. Il sera impitoyablement condamné par Rome.
Cinquante ans plus tard, au début du xx e siècle, un théologien cherche lui aussi à faire évoluer son domaine de pensée. Il s’appelle Alfred Loisy (1857-1940). Il suggère que l’on peut faire de la Bible une lecture critique, qui tienne compte du contexte, de l’histoire. Une telle impudence déclenche les foudres vaticanes. Loisy est excommunié et déclaré « vitandus » (littéralement « à éviter »), c’est-à-dire qu’il est interdit expressément à tous les catholiques de lui parler. Les séminaires sont placés sous un contrôle très strict et les prêtres sous surveillance absolue, pour être bien sûr que le « modernisme », comme on appelle les thèses de Loisy, soit écrasé dans l’œuf.
Léon XIII, pape de 1878 à 1903, est le seul de l’époque que l’on peut considérer comme ouvert. Il publie Rerum Novarum . Cette grande encyclique sur le monde ouvrier est toujours le texte de référence du « catholicisme social », c’est-à-dire de la tendance de cette religion qui promeut un système économique plus humain, plus conforme aux espérances de l’Évangile. Léon est aussi celui qui pousse dans le sens du « ralliement », c’est-à-dire l’acceptation de la République par les catholiques. Son successeur, le terrible Pie X, renoue avec la tradition la plus réactionnaire. La Séparation a lieu à l’époque de son pontificat. Il condamne immédiatement et sans appel cette décision « funeste » par une encyclique enragée. Une société « ne peut prospérer ni durer longtemps lorsqu’on n’y fait point sa place à la religion… ». La démocratie ? La liberté individuelle ? Allons ! La multitude « n’a d’autre devoir que de se laisser conduire et, troupeau docile, suivre ses pasteurs ». Il faudra attendre le concile de Vatican II, dans les années 1960, pour que l’Église fasse son aggiornamento, sa « mise à jour », et qu’elle accepte les principes qui sont les nôtres. Elle y aura mis le temps.
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La Première Guerre mondiale
Au début du xx e siècle, la religion nationale est au plus haut. Tous les grands pays européens sont persuadés de représenter chacun le sommet indépassable de la civilisation, tous détestent un peu leurs voisins, mais ils en craignent certains tellement plus que d’autres qu’ils ont jugé utile de s’en protéger avec des alliances. Elles ont tourné beaucoup entre les uns et les autres. Elles ont fini par se fixer ainsi. D’un côté, l’Allemagne de l’empereur Guillaume II, l’Empire austro-hongrois du très vieux François-Joseph (il est sur le trône depuis 1848) et l’Italie : ils forment un trio qu’on appelle la « Triplice ». De l’autre, la France républicaine a fini par s’unir avec sa vieille ennemie l’Angleterre pour former « l’Entente cordiale ». L’une et l’autre avaient trouvé une amie pour prendre à revers les Empires centraux, la
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