Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
que les vues, la morale, les croyances de toutes les religions doivent être respectées, et leur libre expression défendue, parce qu’elle contribue à l’enrichissement de tous.
Ce que les catholiques pensaient de la laïcité
Toutes les croyances doivent avoir un même droit de cité dans une démocratie laïque. Insistons sur ce point, il nous amène à notre deuxième remarque. Elle vise à contrer une idée qui se fait jour, dans notre pays et en Europe, depuis la fin du xx e siècle, qui voudrait que parmi toutes les religions, certaines soient moins égales que d’autres face à la laïcité. Ce serait le cas de l’islam, qui, à en croire certains essayistes et hommes politiques, serait par nature « incompatible avec la démocratie ». Pourquoi ? Parce que cette religion entend régenter la vie des individus. Et après ? Quelle religion n’y prétend pas ? Elles ont toutes été créées pour cela. Tout de même ! ajoutera-t-on alors, de nombreux interprètes de l’islam estiment eux-mêmes que leur religion ne veut pas séparer le spirituel du temporel. Et après ? D’autres exégètes de la tradition coranique estiment le contraire. Le propre de toutes les grandes religions est d’être assez souples pour se prêter à toutes les interprétations possibles.
Souvenons-nous de ce qui s’est passé avec le christianisme.
Aujourd’hui, sinon quelques intégristes, les chrétiens n’ont plus guère de problème avec l’idée laïque. Certains d’entre eux en arrivent même à penser qu’elle est fille du christianisme : cette religion n’a-t-elle pas posé dans son fondement même la différence entre ce qui est à Dieu et ce qui est à César ? Contentons-nous de rappeler qu’au moment où la République a cherché à défendre concrètement ce principe, l’Église pensait très officiellement qu’il n’en était pas de pire.
Pour le catholicisme romain, il est vrai, le xix e siècle n’est pas une période facile. Tout, en ce temps, pousse à mettre à bas son vieux système de pensée : les idées pernicieuses issues de la Révolution française sèment dans les esprits les ferments de l’individualisme, cette horreur ; les progrès de la science ne cessent de troubler les croyances établies : que vaut l’histoire d’Adam et celle du Déluge quand les savants découvrent les dinosaures ? Et avec ça la politique va jusqu’à menacer quasi physiquement les pauvres papes eux-mêmes : au début du xix e , l’un d’entre eux a été prisonnier de Napoléon. À partir du milieu du siècle, ses successeurs ont maille à partir avec les promoteurs de l’unité italienne qui menacent leur « pouvoir temporel », c’est-à-dire le rôle de chef d’État qu’ils se sont arrogés depuis le Moyen Âge. Les Cavour, les Garibaldi ont décidé de chasser du pays tous ceux qui l’occupent indûment et de lui donner Rome comme capitale : le temps des États pontificaux est compté.
Face à tant de périls, le catholicisme officiel n’aura qu’une réponse : la crispation.
Sur le terrain, pour faire pièce au progrès du rationalisme, on en rajoute en sens inverse. L’époque est au renouveau de la dévotion populaire, des cultes piétistes, comme celui dévolu au Sacré Cœur de Jésus, ou des grandes apparitions : celle de la Vierge, à Lourdes, en 1858, très vite reconnue officiellement, est la plus célèbre.
Au sommet de la pyramide, les pontifes se vivent comme des martyrs assiégés par l’impiété. Presque tous ceux du xix e sont réactionnaires, étroits, bornés. L’un d’entre eux, Pie IX, a donné l’exemple le plus révélateur de la tournure d’esprit de ses pairs avec un petit texte qui accompagne sa grande encyclique Quanta Cura de 1864 : le Syllabus . Le mot, à l’origine, signifie sommaire, ou catalogue. Celui-là, en effet, se contente d’énumérer de nombreuses propositions qui ne frappent guère quand on les lit : « il faut défendre la liberté de conscience » ; « la raison humaine est suffisante pour assurer le bien des hommes » ; « l’Église n’a pas le monopole de la vérité » ; « le pouvoir civil doit être supérieur au pouvoir religieux », etc. La stupéfaction arrive dans un deuxième temps, quand on comprend le sens de cette liste : le Syllabus fait la liste des « erreurs de notre temps », c’est-à-dire de tout ce qu’il est formellement interdit d’accepter ou de défendre quand on
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