Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
arriva à ceux qui survécurent d’être envoyés à leur retour au pays dans d’autres camps, ceux du goulag. Car il faut apprendre enfin à penser peu à peu les contradictions d’une guerre qui n’en manque pas. La lutte contre le nazisme représente clairement la lutte contre le Mal. Cela ne doit pas nous empêcher de nous souvenir que le combat contre ce totalitarisme fut gagné largement grâce à l’héroïsme inouï d’un autre totalitarisme. S’agit-il de mettre sur le même plan Hitler et Staline ? N’entrons pas dans ce débat qui a déjà fait couler des flots d’encre et, de fait, nous entraînerait trop loin de l’histoire de France. N’oublions jamais pour autant que la libération de notre Europe de l’Ouest fut payée, en Europe de l’Est, par l’instauration de décennies de dictature. La France et l’Angleterre, en 1939, sont entrées en guerre pour défendre la liberté de la Pologne. Churchill croyait ne pas l’avoir oubliée en 1945, qui avait obtenu de Staline, à la conférence de Yalta, d’organiser des élections libres dans ce pays au plus vite. Les premières ont eu lieu en 1989.
Le camp des démocraties est-il lui même sans ombre ? Les Alliés ont lutté sans relâche contre un régime qui avait fondé sa doctrine sur l’inégalité entre les hommes. Ils ont témoigné eux-mêmes d’une conception de l’égalité qui fut parfois à géométrie variable. Il a fallu les innombrables documentaires diffusés à l’occasion de l’élection du président Obama en 2008 pour qu’on se souvienne que, jusque dans les années 1960 – et donc a fortiori pendant la guerre –, les États-Unis étaient un pays ségrégationniste. L’armée qui luttait pour la liberté des hommes dans le monde était une armée dans laquelle un soldat noir n’avait pas les mêmes droits qu’un soldat blanc – l’égalité raciale n’y sera promue, en théorie du moins, qu’à partir de 1948. Cela ne doit pas conduire à en tirer des parallèles absurdes. Organiser la séparation entre les Blancs et les autres n’est pas du même ordre que planifier l’extermination d’un peuple. Cela mérite toutefois que l’on se pose des questions sur les angles morts dont chaque pays s’accommode pour refuser de voir ce qui le dérange.
La France connaît les siens. Le film Indigènes (2006) a rappelé le rôle trop oublié des soldats coloniaux dans la libération de la France, et l’ingratitude dont a fait preuve la métropole à leur endroit une fois la victoire acquise. Divers épisodes de cette aventure ressortent peu à peu. Ainsi, en avril 2009, la BBC exhumait- elle des documents évoquant des pressions de l’État-Major américain en août 1944 sur les responsables militaires français pour qu’ils « blanchissent » la division envoyée pour libérer Paris. Les généraux américains blancs ne pouvaient pas supporter l’idée que la libération d’une capitale soit le fait de soldats noirs. Les Français obtempérèrent.
Le 8 mai, enfin, est pour tous les Français la date de la victoire finale sur l’Allemagne nazie. Pour les Algériens, elle a une autre signification : elle commémore les milliers de morts laissés par la répression sanglante et hors de proportion des premières manifestations nationalistes, organisées à Sétif, dans le Constantinois, qui elles-mêmes avaient dégénéré et abouti au meurtre de quelques dizaines d’Européens. Combien de Français connaissent cet épisode ? L’enchaînement est pourtant parlant. Le jour même de la fin d’une guerre se préparait déjà la suivante.
Les dangers d’une obsession
La Seconde Guerre mondiale fascine, cela se comprend. Avec ses 50 à 60 millions de victimes, elle a atteint un degré sans précédent dans l’horreur et ce bilan n’en finit pas de nous interroger sur ce dont l’homme est capable. Elle est aussi la première guerre idéologique et, on ne peut l’oublier, une « guerre juste ». La Première Guerre mondiale laisse l’idée d’une guerre absurde qui envoya des millions d’hommes se faire tuer pour rien. Aucun de ceux qui ont combattu le nazisme ne sont morts pour rien, ils ont donné leur vie pour la liberté du monde, cela change tout. En 1914, chaque camp prétendait faire « la guerre du droit ». En 1945, c’est une évidence pour tous les démocrates, le droit est d’un côté, de l’autre, il y a le Mal. Cela signifie aussi que les victimes de cette guerre
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