Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
religion prépondérante. Les chrétiens ou les Juifs avaient un statut qui les plaçait en position d’infériorité, mais, jusqu’à la fin du xix e siècle, ils ne furent jamais persécutés et purent toujours exercer leur culte et vivre leur foi. Par rapport à ce qui allait se passer bientôt en matière religieuse en Europe occidentale, c’était un luxe.
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Les guerres
religieuses
Là où nous l’avions laissée, au tournant du xv e siècle, l’Église catholique, écartelée entre deux et parfois même trois papes rivaux, était dans un piètre état. Cent ans plus tard, elle ne vaut guère mieux. Les pontifes ont quitté Avignon et sont revenus à Rome, mais la loi qu’ils y font régner a un rapport très particulier avec les prescriptions évangéliques. Alexandre VI Borgia est célèbre pour les orgies qu’il organise au Vatican et passe pour avoir fait jeter au Tibre un jeune gentilhomme qu’il venait de violer. Jules II, un de ses grands ennemis, lui succède un peu plus tard. Il est plus raisonnable : il se contente d’avoir trois filles. Le clergé, sans formation, est inculte. Partout règne la prévarication. Tout s’achète, tout se vend, les titres, les abbayes, les âmes. Pour financer les travaux pharaoniques qu’ils ont entrepris à Rome, les pontifes ont inventé un nouveau mode de financement : tous les donateurs se voient accorder en échange de leur obole un certificat leur garantissant un nombre plus ou moins élevé d’années de purgatoire à faire en moins après leur mort. C’est le « trafic des indulgences ». Tous les grands esprits du temps, ces humanistes dont nous avons parlé, sont convaincus qu’il faut « réformer » l’Église, c’est-à-dire, étymologiquement, lui faire retrouver sa forme d’origine. Souvent dans l’histoire de grands chrétiens ont rêvé d’un coup de balai qui viendrait dépoussiérer le vieux trône de saint Pierre. Pour la première fois se fait jour dans les esprits l’idée qu’il serait plus raisonnable de le balayer avec tout le reste.
Repères
– 1559 : mort d’Henri II ; règnes de ses fils François II (mort en 1560) puis Charles IX ; régence de Catherine de Médicis
– 1562 : début des guerres de Religion en France
– 1572 (24 août) : massacre de la Saint-Barthélemy
– 1589 : mort sans descendance d’Henri III, dernier des Valois ; le protestant Henri de Navarre roi de France (Henri IV)
– 1598 : édit de Nantes, fin des guerres religieuses
Le plus fameux tenant de cette option radicale est un moine allemand, né dans une famille pauvre en Thuringe en 1483, devenu théologien : Martin Luther. Durant toute sa jeunesse, il est hanté par des angoisses profondes, il a peur de l’enfer. Puis un jour, à la suite de lectures assidues de saint Paul et de saint Augustin, la vérité éclate : la peur est inutile comme l’idée de la conjurer en se rachetant sans cesse, les œuvres ne servent à rien, seule compte la foi, c’est-à-dire la confiance dans la miséricorde de Dieu. Un christianisme rénové sur cette base commence à germer dans son esprit. En 1517, il placarde sur la porte de l’église de Wittenberg, où il est professeur de théologie, « 95 thèses » qui interrogent de nombreuses vérités tenues pour acquises par les papes et critiquent violemment certaines pratiques, comme ce « trafic des indulgences » qui le révulse. La rupture est entamée. En juin 1520 arrive la réponse de Rome : une bulle d’excommunication. En décembre, Luther la brûle publiquement. La rupture est consommée.
Le moine frondeur s’est affirmé. Rome ne veut pas de lui, quelle importance ? Un vrai chrétien doit se passer de Rome, cette « moderne Babylone » perdue par la débauche, où règne celui qui se dit pape et n’est que « l’antéchrist ». Son programme est simple : Sola fide, sola gratia, sola scriptura, solus christus . C’est-à-dire une seule foi – celle de la confiance totale en Dieu –, une seule grâce – celle que Dieu seul détient –, une seule écriture – la Bible –, un seul Christ. Rien d’autre ne vaut. Ni l’interprétation du message de Jésus qu’a élaborée Rome depuis des siècles (ce que l’on appelle chez les catholiques « la Tradition »), ni la nécessité d’un clergé.
Pourquoi faudrait-il des prêtres ? Pour Luther, tous les hommes sont appelés pareillement à conduire leur âme, c’est le
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