Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
les mathématiques. Son besoin de centralisme nous a laissé un autre héritage précieux : par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, il impose que tous les actes officiels, à la place du latin, soient rédigés dans une langue à laquelle les écrivains du temps commencent à donner ses lettres de noblesse : le français. Centralisme, unité, organisation de la chose publique : on l’a compris, le grand Valois est le premier à préparer le pays à ce cadre politique nouveau, l’État. Il est toutefois une question qu’on ne pose jamais, dans les livres, une fois que l’on a exposé tout cela : est-ce pour autant la seule organisation valable, est-ce la seule qui soit possible ?
Charles Quint
Pour le savoir, il faut aller voir ce qui se passe à la même époque dans d’autres pays d’Europe et même un peu au-delà. Il y a de quoi faire. Pour ce qui est des couronnes, ce moment de l’histoire est prodigue en noms fameux, c’est le temps des grands souverains. Dans les livres, en général, on ne les considère que sous l’angle de leur rapport avec la France ou plutôt avec son roi lui-même. Un demi-siècle vu comme un grand jeu de société, une sorte de gigantesque poker dans lequel quelques illustres personnages échangent coups fourrés et coups de bluff. Il est vrai que cette perspective ne manque ni de romanesque ni de rebondissements.
Au centre de la partie, un duel, celui que va mener François I er avec son adversaire : Charles Quint.
Qui est-il ? Avant toute chose, un des plus incroyables héritiers de l’histoire du monde. Il est né en 1500, à Gand, dans ce que l’on appelle les Pays-Bas méridionaux, sous le nom de Charles de Habsbourg, dans une famille qui avait porté l’art du mariage d’intérêt à la perfection. Qu’on en juge. En remontant son arbre généalogique du côté de son père, Philippe, on tombe sur son grand-père, Maximilien de Habsbourg, empereur du Saint Empire germanique, heureux époux de sa grand-mère, Marie de Bourgogne, c’est-à-dire l’héritière de notre vieil ami Charles le Téméraire et de ses richissimes possessions, les Pays-Bas, la Franche-Comté, etc. Du côté de sa mère, Jeanne, c’est largement aussi bien mais au sud : ses grands-parents sont les « Rois Catholiques », Isabelle et Ferdinand, ce sont eux qui, unissant leurs royaumes de Castille et d’Aragon, sont devenus les maîtres de l’Espagne et de toutes ses immenses dépendances. Ensuite, le petit Gantois n’a plus qu’à attendre que les fruits tombent. Ils tombent vite. En 1506, à la mort de son père Philippe, Charles touche l’« héritage bourguignon » – c’est-à-dire l’actuel Benelux et la Franche-Comté. En 1516, à la mort de son grand-père Ferdinand, alors que l’on constate que sa mère Jeanne, dite Jeanne la Folle, est incapable de régner, c’est l’Espagne qui lui revient, et tout ce qui va avec, Naples, la Sicile, la Sardaigne, les Baléares et, bien sûr, les nouveaux empires des Indes – en clair l’Amérique centrale et la moitié de l’Amérique du Sud. En 1519 enfin, à la mort de son grand-père l’empereur Maximilien, lui reviennent ses quelques possessions personnelles (Autriche, Carinthie, Styrie, Alsace méridionale, on en passe) et il réussit dans la foulée à se faire élire à son tour empereur. Charles est le cinquième à s’appeler ainsi depuis Charlemagne, d’où son nom : Charles Quint. Il n’a pas vingt ans, il est à la tête d’un empire sur lequel, dit-on, « le soleil ne se couche jamais ». Il portera jusqu’à soixante-dix titres et couronnes, l’histoire ne nous dit pas s’il se souvenait de tous.
Sachant cela, on n’a plus qu’à jeter un coup d’œil à la carte pour comprendre le ressort du conflit qui va opposer notre Bourguignon à son lointain cousin Valois. Charles a un empire étendu, mais éclaté. Il jalouse un royaume qui sépare ses possessions et a pour lui l’unité territoriale. Par-dessus tout, il est hanté par un combat : récupérer le vrai berceau de sa famille, la vieille Bourgogne, scandaleusement confisquée par Louis XI à la mort de son aïeul Charles le Téméraire.
François est au centre du jeu, il se retrouve maintenant avec un rival qui peut le prendre en tenaille, par le nord-est et par le sud. D’où les quarante ans de guerre avec les « impériaux », comme on
les appelle (elle s’achève avec le traité du Cateau-Cambrésis de 1559, signé après
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