Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
la mort des deux protagonistes), et des dizaines de milliers de morts pour pas grand-chose. On se bat en Provence, on se bat dans les Ardennes, on se bat aussi beaucoup en Italie, que les deux convoitent. En 1525, les Français subissent une défaite énorme à Pavie, non loin de Milan. Le sol est jonché de chevaliers français et François est fait prisonnier. Il passe de longs mois en captivité à Madrid, n’en sort qu’après avoir promis par traité, entre autres clauses, de rendre à Charles sa chère Bourgogne. Une fois rentré, il ne respecte rien, évidemment, et reprend la bagarre, l’air est connu. Cela n’empêche pas bien plus tard de brillantes réconciliations – on verra l’empereur traverser tout le royaume de France en grand équipage, avec fêtes et divertissements dans toutes les villes et réception royale à Paris, pour aller châtier une révolte à Gand – ni de nouvelles guerres, avec de nouveaux ennemis ou de nouveaux alliés. D’autres joueurs ne sont-ils pas prêts à alimenter la partie ? Oublions les seconds rôles, il y en a tant. Les petits nobles italiens, ducs de ceci, doges de cela ; le pape qui s’allie à l’un, s’allie à l’autre, n’hésite pas, quand il le faut, à prendre les armes lui-même et verra, horreur de l’horreur, sa ville de Rome mise à sac par les impériaux déchaînés ; ou même les princes protestants qui secouent l’empire du très catholique Charles Quint, et avec qui François I er puis son fils Henri II n’hésiteront pas à faire alliance – il est vrai qu’en matière de politique étrangère, ils ne reculent pas devant grand-chose. Souvenons-nous des deux autres acteurs de premier rang.
Henri VIII et Soliman
Le roi d’Angleterre Henri VIII est célèbre pour avoir eu six femmes. De toute évidence, son cœur balançait beaucoup aussi en matière diplomatique – il n’eut de cesse de changer d’alliance, une fois l’un une fois l’autre, et toujours plus d’or et de promesses à chaque fois. Quand on est malin, le jeu peut rapporter gros. Un seul exemple, il est fameux : en 1520, François I er est prêt à beaucoup pour séduire le Tudor. Il le convie à Guînes, non loin de Calais (toujours anglaise à l’époque), dans un endroit tout exprès préparé pour la circonstance : « le camp du Drap d’or ». Le nom seul dit la mesure des moyens déployés. Bals, fêtes, petits plats d’argent dans de grands plats de vermeil, une ville en miniature pour éblouir les hôtes, et peut-être une gaffe : lors d’un jeu de lutte, l’idiot de Français a le tort de ne pas laisser l’Anglais gagner, vous savez comme ces princes sont susceptibles. Une semaine plus tard, Henri VIII est à Gravelines, c’est-à-dire à deux pas mais dans les Pays-Bas de Charles Quint, et signe avec lui une alliance indéfectible. Il en changera un nombre incalculable de fois.
Reste, très à l’est, l’ outsider , le trouble-fête inattendu de l’affaire : le « Grand Turc », Soliman le Magnifique, le sultan ottoman au faîte de sa puissance et qui n’en finit pas d’effrayer la sainte Europe : tous les Balkans sont déjà conquis, à force de pousser à l’ouest il est presque à Vienne, au cœur même des pays Habsbourg. François I er voit l’intérêt stratégique d’une alliance de revers. Ambassades, cadeaux, il traite avec Soliman. Le geste est toujours présenté comme un sommet de l’audace ou du machiavélisme (ça dépend du point de vue) : incroyable ! Le « Très Chrétien » (c’est le surnom du roi de France) prend la main du musulman. Et plus encore : Turcs et Français se battront même côte à côte, entre autres lors du siège (raté) de Nice. L’alliance a tout de même valu à la France des « traités de capitulation », c’est-à-dire d’énormes privilèges commerciaux qui lui assureront pendant des siècles une place de choix au « Levant », comme on disait alors.
Oui, on peut, ad libitum , ne voir les choses que sous l’angle du grand jeu de stratégie à quatre ou cinq personnages. C’est dommage. Il est tout aussi instructif de s’intéresser un instant aux modèles que ces protagonistes, chacun dans leur empire, essayaient de bâtir.
Voyez Charles Quint. Dans nos mentalités françaises, qui ont du mal à raisonner hors de la référence nationale , on n’arrive jamais à le caser. La plupart des gens en font un roi d’Espagne. Dieu sait pourtant que le rôle ne fut
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