Nostradamus
crier :
En avant !
mais sa
gorge ne proféra nul son.
– Le Royal ! hurlaient les quatre
compagnons en frappant.
– Voulez-vous vous taire, ivrognes !
rugit Le Royal.
– Tudiable ! quels coups !
trépignait le roi enthousiasmé.
Éperdus, sanglants, enchaînés par l’ordre de
ne rien tenter contre le roi, les douze rengainèrent leurs
épées.
– C’est bon ! gronda l’un d’eux. On
s’en va !…
Ils ramassèrent leurs deux ou trois
blessés ; quatre d’entre eux soulevèrent Lagarde sans que ni
Le Royal, ni le roi s’opposassent à ce mouvement. Une minute plus
tard, l’escadron de fer avait disparu au détour de la rue.
– Notre part, maintenant ! fit
Trinquemaille.
– Notre part ? fit Corpodibale. Mais
tout est à nous !
– Silence, ruffians maudits ! gronda
Le Royal.
– Saint-André, dit Henri en rengainant
son épée, donne donc, ta bourse à ces braves gens, et qu’ils s’en
aillent !
Les quatre compères frémirent de joie et
saluèrent jusqu’à terre. Mais Saint-André ne remuait pas : il
avait reçu un coup droit au travers de l’épaule et gisait
évanoui.
– Tiens ! fit Henri. Il est mort.
Monsieur, je vous ai mille obligations. Sans vous, je serais
peut-être où est mon compagnon. Qui êtes-vous s’il vous
plaît ?
– On me nomme Le Royal de Beaurevers.
Henri fronça le sourcil. Son visage se fit
cauteleux.
– Jeune homme, dit-il, j’ai entendu
parler de vous. Le service que vous m’avez rendu est trop récent
pour que je vous dise en quels termes. Tout ce que je puis faire,
c’est de surseoir pendant huit jours aux ordres qui vous
concernent. Mettez ces huit jours à profit pour gagner au
large…
– Monsieur, dit Le Royal, vous m’avez
demandé mon nom, et je vous l’ai dit. À votre tour, s’il vous
plaît !
Le roi eut un sourire sinistre, et d’un accent
glacial :
– Allons, mon brave, retire-toi à
l’instant, si tu ne veux que je révoque la grâce que je viens de te
faire !
Les quatre compères s’avancèrent, menaçants.
Mais ils reculèrent étourdis par une grêle de coups de poing.
– Ah ! chiens maudits !
Ah ! damnés païens ! Hors d’ici ! Ah ! vous
m’empêchez de causer avec monsieur et de lui donner une leçon de
courtoisie ! Ah ! misérable gibier de potence !…
– Ah ! lou pigeoun ! Quentê
poigno ! criait Strapafar ravi.
– Basta, basta ! rugissait
Corpodibale extasié.
– Quelle bonne férule ! jubilait
Trinquemaille.
– Frappe toujours, mon fils ! disait
le sublime Bouracan.
– Allez, chiens d’ivrognes, effrontés
pillards, et tenez-vous à distance jusqu’à ce que je vous appelle.
Or çà, monsieur, votre nom, maintenant que nous sommes
seuls !
Henri grinça des dents. Il se vit seul. Mais
la passion, plus haut que la fureur, hurlait en lui.
– Jeune homme, gronda-t-il, une dernière
fois, éloignez-vous. J’ai affaire dans cette maison.
– Où vous prétendez monter par cette
échelle de corde ?
– Oui ! fit Henri. Il s’agit d’un
rendez-vous d’amour !
– Vous mentez ! dit Le Royal de
Beaurevers devenu livide.
– Sais-tu bien à qui tu parles,
drôle ! rugit Henri.
– Voilà une heure que je vous le demande,
monsieur. Mais qui que vous soyez, vous mentez. Cette échelle
conduit chez le grand-prévôt. M lle Florise de
Roncherolles ne donne à personne des rendez-vous d’amour. Je dis
donc : Vous mentez !
– Misérable ! À genoux et demande
pardon ! Je suis le roi !…
Beaurevers se croisa les bras et
dit :
– Vous êtes le roi ?… Eh bien, roi
de France, vous avez menti ! Roi de France, je vous défends,
moi, Royal de Beaurevers, d’insulter la jeune fille qui habite
ici ! Roi de France, retirez-vous à l’instant ! Je vous
laisse partir sans vous renfoncer dans la gorge l’insulte que vous
venez de proférer !…
Henri eut un instant de stupeur prodigieuse.
Cet homme avait dit au roi : – Vous avez menti !
LE ROI.
Un être qui pouvait être faible, fort, pauvre,
riche, fou, sensé, borgne, scélérat, bienveillant, auguste,
ridicule – mais qui jamais, ne pouvait être simplement un
homme.
Henri II, de très bonne foi, avait
dit :
– À genoux ! Car je
suis le
roi.
À genoux !
La réponse de Beaurevers le laissa un moment
stupide.
– Hors d’ici ! réitéra Le Royal plus
droit que jamais.
Henri se souvint qu’il était homme. Il
dégaina, songeant :
– Sera-t-il insensé
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