Nostradamus
matin, une
de ses femmes entra, tout effarée :
– Madame, savez-vous ce qu’on dit ?
Que Sa Majesté n’est pas au Louvre !
Catherine se mordit les lèvres pour ne pas
crier.
– Est-ce donc la première fois que le roi
découche ? fit-elle.
Ce mot rude lui permettait de prendre une
attitude. Catherine put dès lors montrer l’agitation de l’épouse
outragée, et détendre ses nerfs en sanglotant. Mais à 10 heures le
roi n’était pas rentré. Catherine sentait son sang bouillir dans
ses veines. Les rumeurs du Louvre la frappaient.
À midi, rien, Catherine pensa : Le Royal
de Beaurevers a fait la besogne de Lagarde !… Le tumulte
éclata dans le Louvre. Le roi ! Où est le roi ! Catherine
leva ses yeux vers le Christ crucifié au-dessus de son prie-dieu,
et gronda :
– Est-ce enfin que tu m’as
entendue ?…
Et elle donna l’ordre d’assembler le
conseil.
VII – FACE À FACE
Le Royal de Beaurevers avait enjambé et sauté
dans une chambre où se trouvaient deux femmes.
– Monseigneur, dit l’une d’elles, c’est
là ! Elle montrait la porte de la chambre de Florise.
Florise parut. Beaurevers ne la vit pas. Il
s’était penché sur la femme, lui tordait les poignets ; elle
tombait à genoux.
– C’est toi qui as jeté l’échelle ?
gronda Le Royal.
– Oui ! râla la gueuse. N’ai-je donc
pas bien fait ?
Le Royal la traîna jusqu’à la fenêtre, et
là :
– Écoute. Je ne te tue pas parce que tu
es une femme. Mais tu vas t’en aller.
– Par où ? bégaya la femme, ivre de
terreur.
– Par là ! dit Beaurevers. Tu as
jeté l’échelle. Tu la descendras. Tant pis si tu te romps les os,
ou tant mieux !
– Grâce ! rugit la drôlesse.
– Aimes-tu mieux que j’appelle le
grand-prévôt ?
La femme se releva, se pencha, recula. Le
Royal tira son poignard… Alors elle se décida. L’instant d’après,
elle commençait à descendre, les yeux fermés, échelon par échelon.
La gueuse atteignit le sol et se sauva. Le Royal haussa les
épaules. Il marcha à l’autre femme qui gémissait d’épouvante.
– Tu as vu, hein !
– Oui ! Mais je n’ai rien fait,
moi ! Je ne voulais pas !
– Qui vous a payées ?
– M. de Saint-André.
– Saint-André ! Roland de
Saint-André, dis !
– Non. Le maréchal.
– Oui, je comprends. Le fils travaille
pour son propre compte et le père pour le compte du roi. C’est bon.
Ne pleure pas. Tu resteras, pour que tu puisses dire à quiconque
voudrait recommencer que je suis là, moi, et que je veille.
Le Royal de Beaurevers se retourna alors et
vit Florise. Il demeura immobile. Il chercha un geste à faire, un
mot à dire, rien ne vint. Florise, un peu pâle, les yeux baissés,
trouva, elle ! Elle désigna d’un geste cette chambre de jeune
fille où pas un homme, hormis le père, n’avait jamais risqué un
regard, et elle dit :
– Venez !…
Beaurevers entra. Il ne savait s’il rêvait…
Florise poussa la porte !…
Un moment, ils demeurèrent debout l’un devant
l’autre. Entre eux, il y avait une chaise : simple hasard.
Tant que Beaurevers resta là, cette chaise demeura entre eux.
Florise avait fermé la fenêtre et rallumé les
flambeaux. Florise, d’une voix à peine oppressée, parla la
première :
– Monsieur, je dois vous remercier. J’ai
vu la bataille en bas. Sans vous, j’étais perdue, je le sais.
Et, doucement, avec une admiration passionnée,
elle répéta :
– J’ai vu les batailles là-bas, à
l’auberge de Melun, puis ici, dans la cour de l’hôtel, puis ce
soir, sous ces murs.
– Mademoiselle, ne croyez à rien de mal
de ma part. Pourquoi j’étais sous vos fenêtres ? C’est le
hasard. Et puis, j’ai vu des gens. J’ai attaqué, pensant que
c’était à vous qu’on en voulait. J’ai eu tort de monter jusque chez
vous. Mais il fallait que je vous prévienne de prendre garde.
– Si vous n’étiez pas venu, dit Florise,
je vous eusse cherché. Vous aussi, vous devez prendre garde. On
veut vous tuer.
– Qui ? demanda Beaurevers.
– Mon père ! répondit-elle en
frissonnant.
Ses jolies mains s’unirent dans un geste de
supplication… elle revoyait l’abominable vision, la potence
monstrueuse.
– Jurez-moi, dit-elle exaltée, jurez-moi
de veiller sur vous.
– Oui, dit Beaurevers, je veillerai, mais
si vous me promettez de vous défendre. Car s’il vous arrivait
malheur, j’irais trouver le grand-prévôt
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