Nostradamus
mariage est inutile.
À ce moment, Renaud qui, le paradis au cœur,
courait rejoindre ses deux amis, Renaud se répétait
ardemment :
– Maintenant, oh !
maintenant
plus que jamais, il faut que le mariage
s’accomplisse dès demain, ou je serais infâme.
Il était environ 9 heures du soir lorsque
Renaud atteignit son logis, où Saint-André et Roncherolles
l’attendaient.
– Chers bons amis ! s’écria Renaud.
Toujours fidèles…
– Nous eussions attendu jusqu’à demain…
sans reproche.
– Oh ! pardon, pardon, mes braves
amis !… Si vous saviez… Mais convenons de la grande journée de
demain.
– Nous ne sommes pas les seuls à t’avoir
attendu, dit Roncherolles. Il y a ici, dans la cuisine, un homme
qui se restaure et t’attend depuis 2 heures de l’après-midi.
– Un homme ? fit Renaud avec une
vague inquiétude.
– Un courrier de Montpellier, dit
Saint-André attentif.
Renaud deux secondes après, disait au
courrier :
– Vous arrivez de Montpellier ?
– En onze jours, seigneur. J’ai fait
environ dix-huit lieues par jour et me voici à Paris depuis
midi.
Renaud tendit au courrier une bourse pleine
d’or.
– Où prend-il cet or ? murmura
Roncherolles.
Le courrier remit à Renaud une lettre dont le
jeune homme rompit le cachet d’un geste violent… La lettre
contenait ces mots :
«
Si dans les vingt jours je n’ai pas
le philtre que le savant Exaël t’a sûrement remis pour moi, dans
vingt jours je serai mort. Hâte-toi, mon fils. Au cas où tu
arriverais trop tard, tu ouvriras ma tombe et tu liras le parchemin
que tu trouveras dans le vêtement avec lequel je serai enterré. Je
t’embrasse, mon enfant chéri. Console ta mère et dis-lui que je
vous attends tous deux au séjour des esprits astraux.
–
N. »
Lorsque Renaud releva la tête, il était blême.
Il marcha à un flambeau et y brûla la lettre de son père. Puis, au
courrier :
– Tu connais la personne qui t’a
envoyé ?
– Non. Mais j’ai promis d’arriver ici en
douze jours. J’ai tenu parole, puisque je suis venu en onze.
– Je dois, moi, mettre neuf jours. Est-ce
possible ?
– Oui, en crevant une demi-douzaine de
bons chevaux.
– J’en crèverai dix, et je ferai la route
en huit jours.
Le courrier salua jusqu’à terre et se
retira.
– Mauvaises nouvelles ? demanda
Roncherolles.
– Oui ! gronda Renaud, les lèvres
serrées.
– Pauvre ami ! dit Saint-André. Le
malheur est donc sur toi ? Car, depuis huit jours, tu as dû
être frappé par un terrible malheur. Tout le crie…
– Oui, fit Roncherolles, et cela date,
tiens… cela date du jour où en place de Grève… l’on a brûlé cette
sorcière…
Renaud baissa la tête. Sa poitrine se
gonfla.
– Cette sorcière… murmura-t-il, c’était
ma mère !…
– Ta mère ! rugit Roncherolles avec
un accent indescriptible que Renaud prit pour un cri de pitié.
– Oui… ma mère ! fit le jeune homme
qui, tout sanglotant, se laissa aller dans les bras du baron de
Roncherolles.
Les yeux flamboyants, Roncherolles étreignit
Renaud :
– Je le tiens ! Il est perdu !
gronda-t-il en lui-même. C’était sa mère ! Fils de la
sorcière, essaie un peu d’épouser la fille de Croixmart !…
Renaud dompta cette émotion avec la rapidité
qu’il semblait tenir d’une mystérieuse puissance sur lui-même.
– Mes amis, dit-il alors, il faut que
cette nuit je parte de Paris. Roncherolles, tu me procureras un bon
cheval.
– Tu auras un cheval capable de faire
vingt lieues par jour.
– Saint-André, tu m’auras un
laissez-passer à la porte d’Enfer [3] .
– C’est facile, dit Saint-André.
– Il me faudra cela pour une heure de la
nuit.
– Mais ton mariage ? Tu le remets
donc à ton retour ?
– Non, prononça Renaud. Vous connaîtrez
ma fiancée cette nuit, au lieu de demain. Il y aura une messe à
Saint-Germain-l’Auxerrois une heure après minuit. Ce sera la messe
de mon mariage.
– À minuit et demi, dit Saint-André. On y
sera !
– On y sera dès minuit, ajouta
Roncherolles.
– Oui, fit Renaud. Cela vaudra mieux.
Minuit.
Les trois jeunes gens se séparèrent. Renaud
pour courir chez le prêtre, Roncherolles et Saint-André de leur
côté.
Il était à ce moment près de 10 heures.
– Entrons là ! dit Roncherolles
d’une voix rauque de joie.
Il désignait un cabaret encore ouvert malgré
le couvre-feu – Une de ces tavernes bien cotées,
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