Nostradamus
femmes !
–
Amen !
dit
François I er en éclatant de rire. Allons,
rassure-toi. Il y aura encore de beaux carnages par le monde.
Prends ton temps. Et prépare-nous une expédition qui écrase pour
toujours le sanglier. En chasse. Et en attendant, vive
l’amour !
Le connétable s’inclina jusqu’à terre,
admirant que le roi pût parler si bellement de l’amour tout en
donnant de ce ton léger un ordre de guerre qui devait mettre le feu
à l’Europe.
– Sire, dit-il, ces paroles de roi me
suffisent.
– Bon. Maintenant, va-t’en. Moi je m’en
vais dire bonjour à mes gentilshommes qui, paraît-il, sont férus de
me voir.
C’était vrai. Assemblés au Louvre, mille
gentilshommes attendaient François I er pour le
féliciter de son triomphe et de son retour. Le roi se dirigea vers
la réception, épanoui, saluant ses officiers avec grâce, pinçant
l’oreille à ses suisses en riant, adressant aux dames qu’il
rencontrait de merveilleux et lestes compliments et chacun
s’apprêta à recevoir quelque étincelle de cette gerbe éblouissante
qui allait retomber en faveurs.
François I er parvint à ce
salon isolé où nous avons vu réunis quatre personnages. Devant la
lourde tapisserie tendue sur la porte ouverte, le roi
s’arrêta : deux voix échangeaient là des paroles où rampait
l’envie, où sifflait la haine. Et ces voix, le roi les reconnut.
C’étaient celles de ses deux fils : François, dauphin de
France, et Henri, le jeune mari de cette adorable créature dont
raffolait toute la cour, à l’exception de l’époux… Catherine de
Médicis !
– Ils se haïssent ! gronda-t-il.
Ah ! Devrai-je quitter ce monde avec cette pensée que je
laisse derrière moi deux frères jaloux jusqu’à s’entre-tuer et à
déchirer mon royaume !
Il écouta quelques minutes. Et alors, un
sourire détendit ses lèvres : une flamme pétilla dans ses
yeux :
– Dieu soit loué : il ne s’agit que
d’une femme !…
II – LES DEUX FILS DU ROI
François, héritier de la couronne, était un
jeune homme d’environ vingt-quatre ans. Henri, Duc d’Orléans,
deuxième fils du roi, époux de Catherine de Médicis, n’avait pas
atteint son vingtième printemps. Ils avaient tous deux cette
élégance native de la race des Valois à son apogée. Ils étaient
également beaux. On eût cependant observé chez François plus
d’orgueil violent, et chez Henri plus de douceur cauteleuse.
C’étaient deux insatiables chercheurs
d’aventures amoureuses, s’aidant quelquefois, cherchant le plus
souvent à se voler l’un à l’autre leurs conquêtes, sceptiques,
insoucieux des déshonneurs qui naissaient sous leurs pas.
– Écoutons encore ! murmura le roi
souriant.
– Mon frère, disait Henri, vous êtes le
premier du royaume après le roi. Aujourd’hui, je ne suis que le
fils du roi. Quand vous régnerez, je ne serai que le frère du roi.
Ah ! comment pouvez-vous me disputer le pauvre bonheur d’aimer
cette fille ?
– En amour, Henri, chacun pour soi et le
Diable pour tous ! N’avez-vous pas cette fleur magique venue
d’Italie ? Vous aimez cette petite Marie ? Mais je l’aime
aussi, moi ! Mort-diable, je la disputerai à quiconque, l’épée
au poing, s’il le faut !
– Enfer ! murmura Henri, plutôt que
de vous céder Marie…
– Eh bien ! que ferez-vous ?
gronda François.
Les deux frères se jetèrent un regard de
haine.
– Le roi ! cria Albon de
Saint-André.
– Le roi ! murmurèrent les deux
frères en se retournant.
– Jour de Dieu ! fit joyeusement
François I er en s’avançant. Voici qu’on se dispute
à propos d’un jupon ? Silence ! Allons, qu’on s’embrasse
à l’instant et qu’on fasse la paix !
François et Henri se jetèrent dans les bras
l’un de l’autre. Mais sans doute le baiser qu’ils échangèrent
ressemblait à une morsure de haine, car le père pâlit.
– Enfants, dit-il. Deux frères qui se
veulent le mal de mort pour une fille ? Eh ! morbleu,
tirez-la au sort !
Est-elle jolie, au
moins ?
– Ah ! sire. Figurez-vous une
admirable chevelure de madone blonde, des lèvres vermeilles comme
une grenade…
– Des yeux bleus, ajouta François, si
bleus que, près de ces yeux-là, l’azur du ciel semble moins
pur…
– Holà ! cria le roi en riant. Je
connais cette antienne. Assez, ou vous allez me forcer à me mettre
sur les rangs !
Les deux princes frémirent. Car il était
arrivé que
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