Nostradamus
réponse : le 29
du présent mois, je mettrai Le Royal de Beaurevers en présence du
roi Henri II…
Nostradamus eut, pour signifier que l’audience
était terminée, un geste de roi. Le héraut salua très bas et
sortit.
– Vous avez entendu ? dit
Nostradamus en allant ouvrir à Beaurevers.
– Oui : ma tête est à prix. On
recherche Florise… mais je suis là ! Moi vivant, nul ne la
touchera… Cependant, il faut que j’aille lui annoncer que son père
est délivré et que je ne suis pour rien dans cette délivrance.
– Attendez, croyez-moi. Attendez au 29.
Florise, prévenue que son père est libre, rien ne l’empêchera de
retourner aussitôt à la grande-prévôté. Dès lors, elle appartient
au roi…
– Que faire ? bégaya Le Royal, ivre
de fureur.
– Est-elle en sûreté parfaite, là où vous
l’avez mise ?
– Oui. Oh ! oui. J’en jurerais par
ma tête.
– Je ne vous demande pas où elle est.
Laissez-la. Quelques jours à peine nous séparent du 29. Le 29, vous
irez lui dire que son père est libre et qu’elle est, elle, délivrée
du roi !…
– Oui ! gronda Le Royal. Car ce
jour-là, je tuerai le roi !…
– Et moi, ce jour-là, songea Nostradamus,
je dirai à Henri : « Roi de France, c’est moi qui vous
tue ! Moi, l’époux de Marie de Croixmart ! Seulement,
pour vous tuer, j’ai pris le bras du Royal de Beaurevers !
Mourez désespéré, car Le Royal de Beaurevers, c’est votre
fils !… »
III – LE 29 JUIN
Henri II, levant le masque, venait de se
jeter à corps perdu dans la lutte contre l’hérésie. Et cependant la
Cour s’amusait follement. Les danses, les fêtes se poursuivaient
jusqu’aux matins clairs.
Le 16 juin, après une nuit d’orgie,
Henri II expédiait des lettres aux gouverneurs pour la
destruction des hérétiques.
Le 27 juin fut signé le contrat de mariage de
Marguerite avec le duc Emmanuel Tête-de-Fer. Du Louvre, le bruit
des festins et des danses se répandait sur Paris.
La passe d’armes, qui devait durer trois
jours, commença le matin même de la signature du contrat.
Le 27, donc, les tenants du tournoi
furent : le roi, le duc d’Albe, ambassadeur de
Philippe II d’Espagne ; le connétable de Montmorency,
malgré son âge, et le duc de Guise. Tête-de-Fer rompit une lance
contre Henri II et eut l’avantage.
Le 28, il y eut combat général de deux camps
opposés l’un à l’autre. Puis le roi jouta contre le maréchal de
Saint-André, lequel, se laissa galamment désarmer.
Le 29 juin était le dernier jour de ce
mémorable tournoi. Pendant les deux premières journées le roi porta
les couleurs de Diane de Poitiers : blanc et noir. Couleurs de
deuil ! Dans sa galerie, Catherine de Médicis, pâle, vit cette
livrée. Et alors, se tournant à demi vers Montgomery, du bout des
lèvres, elle laissa tomber ces mots :
– Sous ces couleurs,
le roi sent la
mort !…
La lice s’étendait sur une ligne qui formait T
avec la rue Saint-Antoine. Tout le côté adossé à la Bastille était
occupé par des tribunes. Tout le côté situé vers la rue était barré
par une palissade à hauteur d’homme. La lice formait une longue
piste ovale d’une longueur d’environ cent cinquante toises. Elle
avait la forme de nos hippodromes modernes.
Aux deux extrémités, on avait dressé des
tentes où les
chevaliers
revêtaient leurs armures. Toutes
portaient l’écu ou le fanion de l’occupant. La tente de Montgomery
était placée du côté de l’hôtel des Tournelles et celle du roi à
l’extrémité opposée.
Les tribunes étaient divisées en trois
parties : au centre, une grande loge destinée à la famille et
aux familiers du roi. À gauche et à droite de la loge, deux longues
galeries pour les seigneurs et dames ; chacune de ces galeries
pouvait abriter plus de trois mille spectateurs.
En face des galeries et séparé d’elles par la
lice, il y avait le peuple derrière sa barricade, et derrière la
palissade des hallebardiers.
Lorsque vous serez passé des lices
étincelantes d’armures à la loge prestigieuse, oui, là, au centre
même de ce tumulte d’images et de clameurs, là, pareille à
l’incarnation du destin, là, penchée sur la reine Catherine de
Médicis, livide, regardez ! Voyez cette figure flamboyante et
funèbre, dont l’immense décoration de ce spectacle semble, n’être
que le cadre.
C’est Nostradamus !…
Nostradamus, dans l’oreille de la reine,
n’avait
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