Nostradamus
laissé tomber que ces trois mots :
– Il est temps.
Nostradamus jeta un regard sur Montgomery,
puis sur Saint-André, puis sur Roncherolles… L’instant d’après, il
avait disparu.
La mêlée se terminait dans la lice. Le duc de
Guise, le fils du duc de Ferrare, les deux fils du connétable de
Montmorency. La Trémoille, Tavannes, Biron, dix autres seigneurs
avaient pris part à cette mêlée. Mais déjà, avant, Henri II
avait rompu trois lances.
Lorsque les cris des hérauts eurent proclamé
le nom du parti vainqueur dans la mêlée, Henri II se leva en
donnant le signal des applaudissements. Ce spectacle
l’enivrait.
– Par Notre-Dame, cria-t-il, rien ne
m’empêchera de courir une quatrième fois. Mais je veux cette fois
un rude champion, qui ne ménage pas ses coups.
Il jeta un long regard autour de lui.
Catherine de Médicis adressa à Montgomery un regard terrible. Elle
allait parler, elle allait dire :
– Sire, rappelez-vous que vous avez
promis à votre capitaine des gardes l’honneur de vous mesurer avec
lui aujourd’hui.
À ce moment même, Henri II prononça
joyeusement :
– Montgomery, nous romprons ensemble une
lance.
Catherine faillit s’évanouir. C’était
étrange ! Le roi lui-même désignait le champion qu’à tout prix
il fallait lui indiquer ! Elle fit un effort, se remit. Et
alors, par un admirable artifice, elle s’écria :
– Mais, sire, je vous en supplie… Votre
Majesté est déjà bien fatiguée. N’est-ce pas, ma chère
duchesse ?
– Certes ! fit Diane de Poitiers.
Sire, quatre lances rompues dans la même matinée, c’est
trop !
– Me croyez-vous donc hors de
service ? Allons, Montgomery, allons, brisons une lance pour
l’amour des dames !
Et il courait à sa tente pour revêtir son
armure. Montgomery, en chancelant, se rendit à la sienne. Catherine
de Médicis, alors, se tourna vers quatre gentilshommes de sa suite
particulière qui, dans un angle obscur de la loge, se faisaient
aussi petits que possible.
Les quatre s’éclipsèrent sans bruit. Et ces
quatre c’étaient nos dignes sacripants qui faisaient leurs premiers
pas à la Cour. Trinquemaille, Bouracan, Corpodibale et Strapafar
savaient marcher, saluer, selon les principes de la pure
galanterie. Seulement, il leur était défendu de parler. Si
d’aventure on leur adressait la parole, ils devaient se contenter
de s’incliner en souriant. Ils étaient d’ailleurs magnifiques.
Par derrière, ils se dirigèrent vers la tente
de Montgomery !…
IV – LE ROYAL DE BEAUREVERS
Montgomery était sorti de la loge royale en
jetant sur le petit prince Henri un regard chargé de désespoir. Il
gagna sa tente, des pensées terribles dans sa conscience :
Non ! non ! Je ne ferai pas cela !… Tuer le
roi !… Moi ! là, devant Paris assemblé !… Il le
faut !… Si je ne tue pas le roi, il saura aujourd’hui que mon
fils… »
– Il y a là quelqu’un qui vous attend,
interrompit son écuyer.
Montgomery, reprit son sang-froid et
gronda :
– C’est bien. Tu viendras m’appeler quand
je t’appellerai.
Il entra dans la tente et vit Nostradamus…
Derrière Nostradamus, Montgomery vit son armure. Il tressaillit.
Cette armure, casque à panache, cuirasse, brassards, écu, lance,
cuissards, jambards, cette armure, au lieu d’être disposée par
pièces séparées, se tenait debout, immobile. Il songea :
– Quelqu’un est là, sous
mon
armure… quelqu’un qui n’est pas
moi…
Et il me semble que
c’est
moi…
Qui est-ce ?
La visière était baissée. Il ne put voir le
visage. Mais il remarqua que l’inconnu serrait le bois de sa lance
avec une énergie convulsive. Ses yeux se portèrent alors sur
son
écu, et il vit que son écu ne portait ni la devise que
lui avait léguée son père, ni les armes de sa famille.
D’étranges armoiries flamboyaient au centre de
l’écu : C’était une croix sur les bras de laquelle
s’enchevêtraient des cercles enfermés eux-mêmes dans une grande
circonférence. Des signes étaient tracés dans chacun de ces
cercles. Entre les bras de la croix apparaissaient quatre figures
représentant un homme, un aigle, un lion, un taureau.
Montgomery désigna l’écu de son doigt tendu,
et demanda :
– Quelles sont ces armoiries ?…
Nostradamus, d’un accent qui le fit frémir,
répondit :
– Ce sont les armoiries de la suprême
Force, qui décrète pour aujourd’hui la mort d’Henri II, roi
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