Nostradamus
Amour, haine, joie, fureur…
poussière de sentiments…
Djinno avait disparu. Nostradamus se releva,
pantelant. Il ne songeait déjà plus à cet être. Une sorte de rage
le transportait à l’idée qu’il avait été impuissant à reconnaître
son fils et que ce fils était condamné sans rémission.
– Et elle ! que j’ai maudite cent
fois ! Elle me fut donc fidèle… jusque dans les cachots,
jusque dans la mort !
Alors sa douleur s’exaspéra.
Nostradamus vécut une heure effrayante. Puis
il se souvint que les mages de la Pyramide lui avaient du moins
donné la science ; d’évocation. Et il voulut revoir la
morte…
Alors, grâce à sa puissance sur lui-même,
Nostradamus put triompher de sa douleur. Pourtant, lorsqu’il
s’arrêta devant le tombeau de Marie, un tremblement le saisit.
Mais, se remettant aussitôt, il commença les incantations qui
devaient atteindre l’esprit de Marie et le forcer d’accourir du
fond des limbes.
Peu à peu, sa pensée entra dans les sphères
inconnues… L’image de Marie ne se montrait pas… Les morts qui
dormaient là demeuraient tapis au fond de leurs retraites.
Puis, bientôt, ses invocations se firent plus
impérieuses… Ses yeux se révulsaient, ses muscles craquaient…
Enfin, épuisé, brisé, il tomba à genoux devant
la porte du tombeau, et il s’accrocha à une croix… et, dans cet
instant même où il s’écrasait ainsi, tout à coup, il lui sembla
qu’une dalle voisine venait d’éprouver une secousse…
Oui ! cette dalle vacillait !… Et
là-bas, plus loin, une autre se mettait en mouvement, puis d’autres
encore !…
Alors, le mirage se produisit… Alors, les
tombes s’ouvrirent, les spectres se levèrent… Nostradamus en vit un
d’abord, puis deux, puis plusieurs, toute une foule d’êtres
aériens… Alors, il poussa un cri terrible…
Et, dans le même instant, les spectres
disparurent. Il revit toutes les tombes fermées… Toutes ?…
Non !
L’une d’entre elles, au contraire, venait de
s’ouvrir alors que les autres se fermaient ! Une tombe dont la
porte achevait de rouler sur ses gonds… Et c’était le tombeau de
Marie !…
Nostradamus, d’un bond, fut debout. Il
râla :
– Marie !… Est-ce toi ?… Es-tu
là ?…
Dans cet instant, une forme noire s’encadra
dans la porte.
Nostradamus la reconnut aussitôt :
c’était Marie. Elle était vêtue comme il l’avait vue, à deux pas,
la nuit où il avait enterré sa mère. C’étaient ; les mêmes
vêtements de deuil. C’était la même attitude… Et il
murmura :
– Un esprit n’aurait pas ces
contours !… Je rêve !… À ce moment, l’apparition fit deux
pas.
– Marie ! Marie ! hurla
Nostradamus.
– Renaud ! cria Marie de
Croixmart.
Hagard, fou, il la souleva dans ses bras et
bégaya :
– Vivante ! Toi ! Toi !
Vivante !
Et ce qui se passa alors dans l’âme de Marie
fut sublime. La joie de se trouver dans les bras de Renaud demeura
enfouie au fond de son cœur. La mère seule vécut en elle en cette
seconde de prodige :
– Sauve-le ! oh !
sauve-le !… furent ses premiers mots.
– Le Royal de Beaurevers ! râla
Renaud.
– Notre enfant !… Ton
fils !…
Et elle se renversa dans les bras de l’époux
retrouvé. Il la serra sur sa poitrine, et sans chercher à
comprendre le prodige, se mit en route, emportant sa femme dans ses
bras.
– Venez ! dit près de lui une voix
de pitié.
Nostradamus vit une femme qui pleurait, un
homme, un colosse, qui le regardait avec une sorte de curiosité
émue.
– Qui êtes-vous ? L’homme
répondit :
– Je suis le geôlier qui, jadis, garda
Marie de Croixmart dans les cachots du Temple.
Et la femme :
– Je suis la geôlière qui, jadis, au
Temple, reçut dans ses bras le nouveau-né, l’enfant de la
prisonnière… votre fils !
Chapitre 20 L’ÉCHAFAUD.
I – LA VEILLE DE L’EXÉCUTION
Beaurevers devait être exécuté à neuf heures
du matin. La veille, vers dix heures du soir, Nostradamus se
présenta au Louvre.
– On ne passe pas ! lui dit
l’officier de garde.
– Pas même moi ? demanda
Nostradamus.
– Surtout vous, messire. La reine a donné
des ordres.
– Il faut que je la voie… Il y va de son
intérêt…
– La reine prie. Éloignez-vous, ou je
vous fais arrêter.
Nostradamus jeta un coup d’œil désespéré sur
les cours encombrées de soldats, d’officiers, de gentilshommes.
Des forces imposantes
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