Nostradamus
chambre !…
– François ! râla Catherine. Par
pitié, éloigne-toi !
– François de Valois, dit le mage,
Nostradamus te salue !
Dans le même instant, Catherine vit que
l’apparition avait pris place sous le dais. Le fantôme de François
était vêtu tel que Catherine l’avait vu au moment d’aller à une
bataille : il était couvert d’acier, hormis la tête qui
émergeait, rigide. Une tête exsangue, sans tristesse ni colère, une
tête avec des yeux qui semblaient rivés sur Catherine.
Et elle haletait. Elle voyait l’Invisible… Son
être craquait, se tordait sous les étreintes de la peur…
Et, soudain, elle fut transportée dans le
monde des épouvantes : le fantôme de François venait à
elle !… Il s’approchait… il était sur elle !… Catherine
se renversait en arrière, les bras tendus, les mains frénétiques…
François se penchait ! François allongeait la main !… Et
du bout du doigt, il la toucha au front. Elle s’écroula avec un
gémissement et s’anéantit…
Lorsque Catherine revint aux sens des choses,
elle se vit dans une belle chambre ornée de meubles magnifiques,
inondée de lumière. La reine était assise dans un fauteuil, sur des
coussins moelleux ! Nostradamus, empressé, respectueux, lui
faisait respirer une essence, puis longuement, lui parlait, la
calmait, lui ordonnait de se souvenir seulement que bientôt elle
serait LA REINE. Sous cette parole, Catherine renaissait. Non, elle
n’avait pas revu sa victime. Non, le fantôme de François ne l’avait
pas touchée au front… Elle avait rêvé !
Chapitre 9 LES TRUANDS.
I – LAGARDE ET MONTGOMERY
Dehors, Catherine retrouva son escorte :
douze reîtres armés, douze colosses aux attitudes impassibles,
muets par discipline, habiles à se glisser au fond des nuits sans
lune. Ils ne connaissaient qu’un chef : le baron de
Lagarde ; qu’un dieu : la signora Caterina.
C’étaient des êtres incultes, passifs,
insensibles, obéissants jusqu’au crime. La reine les appelait son
Escadron de fer.
Et ils étaient de fer. Leurs mains étaient des
étaux quand ils saisissaient quelqu’un. Leurs pensées
étaient : le jeu, le vin, l’orgie, le meurtre. Leur devise
était : par le fer. Ils tuaient avec ivresse.
La reine avait aussi un
escadron
volant :
une vingtaine de filles de noblesse choisies
parmi les plus belles statues d’amour, dressées au calcul dans la
passion. C’était le filet d’espionnage que Catherine avait jeté sur
la cour. Elles savaient s’offrir, se refuser, se donner, arracher
les secrets que la reine guettait. Leur devise était : par
l’amour.
Lorsque Catherine croyait avoir surpris sur le
visage d’un seigneur qu’il
savait quelque chose,
elle le
désignait à une de ses espionnes, qui, bientôt, faisait son rapport
– et la reine jugeait. Si le soupçon s’évanouissait, elle lâchait
l’homme. Si le soupçon se trouvait confirmé, alors, elle livrait
l’homme à l’escadron de fer : dans les trois jours, on le
trouvait poignardé.
Lagarde était le chef de l’escadron de fer.
Les douze tremblaient devant lui. Mais quand il y avait une
expédition en vue, le capitaine, pour deux ou trois nuits,
démuselait ses fauves ; alors il les conduisait à l’orgie
comme à la bataille ; alors toutes les ivresses fantastiques,
ivresse de vin, ivresse d’amour, ivresse de sang, il les leur
offrait.
Lagarde avait ses entrées au Louvre ;
mais il y était tenu à l’écart : il était suspect, il ne se
montrait au palais que juste ce qu’il fallait pour affirmer son
droit d’y être. Il résultait de cette situation qu’il fallait un
intermédiaire entre Catherine de Médicis et le baron de
Lagarde.
Cet intermédiaire, c’était le comte de
Montgomery, capitaine des gardes d’Henri II : au fond,
Montgomery aimait le roi. Mais la reine le tenait ; voici
pourquoi :
Un soir, il y avait quelques ans, une terrible
scène avait eu lieu entre Catherine et Henri. Catherine ne s’était
pas encore perfectionnée dans l’art de se taire ; ce soir-là,
Catherine parla. Sa haine contre Diane de Poitiers déborda en
torrents.
– Puisqu’il en est ainsi, dit le roi, je
m’en vais chercher auprès de Diane l’affection que je ne trouve pas
chez la reine.
Demeurée seule, Catherine éclata en
sanglots.
– Et moi, cria-t-elle, humiliée, qui donc
me consolera ?
Le capitaine des gardes, impassible, avait
assisté à cette scène. Elle le vit
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