Nostradamus
elle-même prononcée et de
la métathèse qu’en avait extraite le mage. Toutes les lettres de la
réponse, pas une de plus, pas une de moins, se trouvaient répétées
dans la phrase prononcée.
– Ainsi, continua Nostradamus, dès leur
enfance, vos deux fils François et Charles sont un sujet de souci
pour vous. L’Occulte déclare que vous ne leur devez rien. Ceci veut
dire que vous vous croyez exemptée envers eux de toute affection
maternelle. Rassurez-vous : ils mourront jeunes et laisseront
ainsi la place libre au fils de votre cœur !
Catherine se sentit fouettée par l’ironie de
ces paroles.
– Sorcier, gronda-t-elle. Ne scrute pas
les secrets de mon cœur !
Nostradamus dit alors ces paroles
terribles :
– Si vous voulez que je serve vos
projets, il faut pourtant que je sache le nom de l’homme qui a été
votre amant…
– Mon amant ! murmura Catherine
devenue livide.
– Oui, François et Charles sont les fils
du roi, d’un homme que vous n’aimez pas. Henri, que vous adorez,
est le fils d’un homme que vous avez aimé. Il me faut son nom…
– Oh ! balbutia Catherine, qui vous
a livré ce secret ?
– Cette puissance ! répondit
simplement Nostradamus en posant le doigt sur la rose symbolique
suspendue à son cou.
– Cette puissance ! répéta
machinalement Catherine.
– Dites-moi le nom de l’homme qui a été
votre amant ?
– Vous insultez la reine ! bégaya
Catherine en se débattant.
– Non. Je la sauve. Le nom, madame !
Dites-le !…
– Le nom de l’homme ! Non,
mage ! Roi d’enfer !… Le nom !… Tu ordonneras à
cette puissance de te le dire !…
Et à son tour, elle désignait la scintillante
Rose-Croix.
– C’est bien ! Le nom, madame, je
vais le chercher et le trouver dans ces derniers mots que vous avez
prononcés !…
Et il inscrivit autour d’un cercle, avec leurs
nombres, les soixante et onze lettres contenues dans cette
phrase :
Le nom de l’homme ? Non, mage, Roi
d’enfer !… Le nom !… Tu ordonneras à cette puissance de
te le dire !…
Pendant quelques minutes, Nostradamus fixa le
cercle.
Puis il eut un sourire qui fit frissonner la
reine, et il dit :
– Voici le nom ! Et avec le nom, la
destinée du père de votre fils Henri !… Tenez, madame,
ajouta-t-il en écrivant quelques mots, lisez, comparez, et vous
trouverez ici la métathèse parfaite de vos propres paroles.
Catherine saisit avidement le parchemin et
lut :
– «
Le père de l’enfant se nomme
Montgomery. Sa lance, don de Catherine, dénoue le sort du
roi. »
– Montgomery ! murmura la reine
atterrée.
– Ce n’est pas moi qui le dis. C’est la
puissance occulte.
Mais déjà l’esprit de Catherine s’hypnotisait
sur ces mots dont elle cherchait à deviner le sens exact :
« Sa lance, don de Catherine, dénoue le
sort du roi… »
Sans doute, elle crut avoir compris !
Car, pour masquer l’espoir qui ravageait sa physionomie, elle se
couvrit précipitamment de son voile. Nostradamus
songeait :
– Voici que déjà j’ai jeté dans ce cœur
la première pensée du crime ! Voici que déjà j’ai laissé
tomber la graine d’où sortira la fleur empoisonnée !…
Oui !… Mais il ne faut pas qu’elle me le tue tout de
suite !… Je veillerai à cela !…
Cependant la reine reprenait son
sang-froid.
– Si tu veux servir mes intérêts,
dit-elle, je t’enrichirai.
– Madame, répondit doucement le mage,
quand vos coffres seront vides, venez me trouver, et je les
remplirai. Vous voyez cette table ? Elle est en or
massif : c’est moi qui ai fabriqué cet or. C’est moi qui ai
fondu les matières d’où sont sortis les diamants de cette
croix.
– Oh ! vous avez donc trouvé ce que
tant de savants ont vainement cherché !…
la pierre
philosophale !
Nostradamus devint pensif. Il parut avoir
oublié la présence de Catherine. Et il parla comme il eût parlé
pour lui-même :
– J’ai trouvé, ou plutôt l’Énigme m’a
enseigné ce que les hommes trouveront dans deux ou trois mille ans.
La pierre philosophale est une vérité encore cachée. Lorsque
l’homme aura compris l’unique vérité, il rayera le mot
mort
du nombre des verbes humains. Car c’est un mot vide
de sens, madame. Car tout vit, madame, et tout se survit dans
l’éternité… Voilà ce que m’a appris l’Énigme…
– Êtes-vous homme ? murmura la
reine. Ange ?… Démon ?…
– Je suis homme, dit
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