Notre France, sa géographie, son histoire
calmer qu'une pensée si grave, que
cette forte et virile consolation, lorsque souvent ramené vers la mer, nous
portions sur la plage de la Hogue, à Dunkerque, tout ce pesant passé.
Regardons-la cette mer, de Boulogne. On voit mieux de ce point... On y
voit l'Océan rouler sa vague impartiale de l'une à l'autre rive. On y distingue
le mouvement alternatif de ces grandes eaux et de ces grands peuples. Le flot
qui porta là-bas César et le christianisme rapporte Pélage et Colomban. Le flux
poussa Guillaume, Eléonore et les Plantagenêts ; le reflux ramène Edouard,
Henri V. L'Angleterre imite au temps de la reine Anne ; sous Louis XIV
c'est la France. Hier, la grande rivale nous enseigna la liberté ; demain,
la France reconnaissante lui apprendra l'égalité... Tel est ce majestueux
balancement, cette féconde alluvion qui alterne d'un bord à l'autre... Non,
cette mer n'est pas la mer stérile 5 .
Dure émulation, la rivalité ! sinon la guerre... Ces deux grands
peuples doivent à jamais s'observer, se jalouser, s'imiter, se développer à
l'envi : « Ils ne peuvent cesser de se chercher ni de se haïr. Dieu
les a placés en regard, comme deux aimants prodigieux qui s'attirent par un
côté et se fuient par l'autre ; car ils sont à la fois ennemis et parents 6 . »
1 Cette grossièreté de la Belgique est sensible dans
une foule de choses. On peut voir à Bruxelles la petite statue du Mannekenpiss , le plus vieux bourgeois de la ville ; on lui donne un
habit neuf aux grandes fêtes.
2 La seule cathédrale de Milan est couronnée de cinq
mille statues et figurines.
3 La Flandre hollandaise est composée de places cédées
par le traité de 1648 et par le traité de la Barrière (1715). Ce nom est
significatif.
4 La grande bataille des temps modernes s'est livrée
précisément sur la limite des deux langues, à Waterloo. A quelques pas en deçà
de ce nom flamand, on trouve le Mont-Saint-Jean . — Le monticule qu'on a
élevé dans cette plaine semble un tumulus barbare, celtique ou
germanique.
5 Homère.
6 De Maistre.
XXIX
LE BOURBONNAIS - LE BERRI
CENTRE GÉOMÉTRIQUE DE LA FRANCE
Il en est des nations comme de l'individu, il connaît et distingue
sa personnalité par la résistance de ce qui n'est pas elle, il remarque le moi
par le non-moi. La France s'est formée ainsi sous l'influence des grandes
guerres anglaises par opposition à la fois, et par composition. L'opposition
est plus sensible dans les provinces de l'Ouest et du Nord, que nous venons de
parcourir. La composition est l'ouvrage des provinces centrales dont il nous
reste à parler.
Le centre géométrique de la France est marqué par une borne romaine
dans le Bourbonnais. Le fief central était le duché de Bourbon. Grand fief,
mais de tous les grands, le moins dangereux, ce semble, n'étant pas une nation,
une race à part comme la Bretagne ou la Flandre, pas même une province comme la
Bourgogne, mais une agrégation toute artificielle des démembrements des
diverses provinces, Berri, Bourgogne, Auvergne. Peu de cohésion dans le
Bourbonnais ; moins encore dans ce que le duc de Bourbon possédait au
dehors au quinzième siècle (Auvergne, Beaujolais, Forez).
Tous ces pays du centre, la France dormante des grandes plaines
(Berri, Sologne, Orléanais), la France sauvage et sans route des montagnes
(Velay, Vivarais, Limousin, Périgord, Quercy, Rouergue), sont sans contact avec
l'étranger. Mais ce bizarre empire de Bourbon où il semblait que le possesseur
ne tint pas fortement au sol comme un duc de Bretagne, remis aux mains d'un
traître faillit perdre la France. Ce fief central et massif de Bourbonnais,
Auvergne et Marche, par ses possessions excentriques, le Beaujolais, le Forez,
les Dombes, tenait trois anneaux pour enserrer Lyon, les rudes montagnes
d'Ardèche ; Gien, pour dominer la Loire, puis, tout au nord, Clermont en
Beauvoisis.
On comprendrait à peine un damier de pièces si hétérogènes si l'on
ne savait qu'elles venaient, en partie, de confiscations faites par Louis XI.
Sinistres dépouilles des Armagnacs et autres, prises aux traîtres et qui firent
des traîtres.
Ce roi prévoyant, qui avait fauché les tyrans féodaux, laissait à
regret les Bourbons debout. L'aîné mourait. Pour ruiner plus sûrement le cadet,
il lui avait donné sa fille, Anne de Beaujeu, avec l'engagement précis qu'à sa
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