Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
Vom Netzwerk:
s'éleva entre les cités rivales,
     Gand prévalut sur Bruges et sur Ypres, au quatorzième siècle. Au quinzième, où
     la lutte fut directement entre le comte et les villes, leur désunion les fit de
     nouveau succomber. Gand ne fut pas soutenue de Bruges et Gand, à son tour, fut
     brisée.
    Outre les divisions intestines, cette frontière des races et des
     langues européennes est un grand théâtre des victoires de la vie et de la mort 3 . Les hommes poussent vite, multiplient à
     étouffer ; puis les batailles y pourvoient. Là se combat à jamais la
     grande bataille des peuples et des races. Cette bataille du monde qui eut lieu,
     dit-on, aux funérailles d'Attila, elle se renouvelle incessamment en Belgique
     entre la France, l'Angleterre et l'Allemagne, entre les Celtes et les Germains.
     C'est là le coin de l'Europe, le rendez-vous des guerres. Voilà pourquoi elles
     sont si grasses, ces plaines ; le sang n'a pas le temps d'y sécher !
     Lutte terrible et variée ! ! A nous les batailles de Bouvines,
     Roosebeke, Lens, Steinkerke, Denain, Fontenoi, Fleurus, Jemmapes ; à eux,
     celles des Éperons, de Courtray. Faut-il nommer Waterloo ! 4
    Angleterre ! Angleterre ! vous n'avez pas combattu ce
     jour-là seul à seul : vous aviez le monde avec vous. Pourquoi prenez-vous
     pour vous toute la gloire ? Y a-t-il tant à s'enorgueillir, si le reste
     mutilé de cent batailles, si la dernière levée de la France, légion imberbe,
     sortie à peine des lycées et du baiser des mères, s'est brisée contre votre
     armée mercenaire, ménagée dans tous les combats, et gardée contre nous comme le
     poignard de miséricorde dont le soldat aux abois assassinait son
     vainqueur ?
    Je ne tairai rien pourtant. Elle me semble bien grande cette
     Angleterre, en face de l'Europe, en face de Dunkerque et d'Anvers en
     ruines.
    Tous les autres pays, Russie, Autriche, Italie, Espagne, France, ont
     leurs capitales à l'ouest et regardent au couchant ; le grand vaisseau
     européen semble flotter, la voile enflée du vent qui jadis souffla de l'Asie.
     L'Angleterre seule a la proue à l'est, comme pour braver le monde, unum
     omnia contra . Cette dernière terre du vieux continent est la terre
     héroïque, l'asile éternel des bannis, des hommes énergiques... Tous ceux qui ont
     jamais fui la servitude, druides poursuivis par Rome, Gaulois-Romains chassés
     par les barbares, Saxons proscrits par Charlemagne, Danois affamés, Normands
     avides, et l'industrialisme flamand persécuté, et le calvinisme vaincu, tous
     ont passé la mer, et pris pour patrie la grande île : Arva, beata
     petamus arva, divites et insulas... Ainsi l'Angleterre a engraissé de
     malheurs et grandi de ruines. Mais à mesure que tous ces proscrits, entassés
     dans cet étroit asile, se sont mis à se regarder, à mesure qu'ils ont remarqué
     les différences de races et de croyances qui les séparaient, qu'ils se sont vus
     Kymrys, Gaëls, Saxons, Danois, Normands, la haine et le combat sont venus.
    Ça été comme ces combats bizarres dont on régalait Rome, ces combats
     d'animaux étonnés d'être ensemble : hippopotames et lions, tigres et
     crocodiles. Et quand les amphibies, dans leur cirque fermé de l'Océan, se sont
     assez longtemps mordus et déchirés, ils se sont jetés à la mer, ils ont mordu
     la France.
    La guerre des guerres, le combat des combats, c'est celui de
     l'Angleterre et de la France ; le reste est épisode. Les noms français
     sont ceux des hommes qui tentèrent de grandes choses contre l'Anglais. La
     France n'a qu'un saint, la Pucelle ; et le nom de Guise qui leur arracha
     Calais des dents, le nom des fondateurs de Brest, de Dunkerque et d'Anvers,
     voilà, quoique ces hommes aient fait du reste, des noms chers au pays. Pour
     moi, je me sens personnellement obligé envers ceux qu'ils armèrent, les
     Duguay-Trouin, les Jean-Bart, les Surcouf, ceux qui rendaient pensifs les gens
     de Plymouth, qui leur faisaient secouer tristement la tête à ces Anglais, qui
     les tiraient de leur taciturnité, qui les obligeaient d'allonger leurs
     monosyllabes.
    La lutte contre l'Angleterre a rendu à la France, nous l'avons dit
     plus haut, un immense service. Elle a confirmé, précisé sa nationalité. A force
     de se serrer contre l'ennemi, les provinces se sont trouvées un peuple. C'est
     en voyant de près l'Anglais, qu'elles ont senti qu'elles étaient France.
    Il ne fallait pas moins pour nous

Weitere Kostenlose Bücher