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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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à satisfaire le besoin de la réalité,
     l'exigence des sens. Les arts du dessin viennent au secours. La sculpture
     commence en France même avec le fameux disciple de Michel-Ange, Jean de
     Boulogne. L'architecture aussi prend l'essor ; non plus la sobre et sévère
     architecture normande, aiguisée en ogives et se dressant au ciel, comme un vers
     de Corneille ; mais une architecture riche et pleine en ses formes.
     L'ogive s'assouplit en courbes molles, en arrondissements voluptueux. La courbe
     tantôt s'affaisse et s'avachit, tantôt se boursoufle et tend au ventre. Ronde
     et onduleuse dans tous ses ornements, la charmante tour d'Anvers s'élève
     doucement étagée, comme une gigantesque corbeille tressée des joncs de
     l'Escaut.
    Ces églises, soignées, lavées, parées, comme une maison flamande,
     éblouissent de propreté et de richesse, dans la splendeur de leurs ornements de
     cuivre, dans leur abondance de marbres blancs et noirs. Elles sont plus propres
     que les églises italiennes, et non pas moins coquettes. La Flandre est une
     Lombardie prosaïque, à qui manque la vigne et le soleil. Quelque autre chose
     manque aussi ; on s'en aperçoit en voyant ces innombrables figures de bois
     que l'on rencontre de plain-pied dans les cathédrales ; sculpture
     économique qui ne remplace pas le peuple de marbre des cités d'Italie 2 . Par-dessus ces églises, au
     sommet de ces tours, sonne l'uniforme et savant carillon, l'honneur et la joie
     de la commune flamande. Le même air joué d'heure en heure pendant des siècles,
     a suffi au besoin musical de je ne sais combien de générations d'artisans, qui
     naissaient et mouraient fixés sur l'établi.
    Le pauvre tisserand, aux caves les plus noires de Lille était illuminé
     du carillon ami, de son joyeux concert qui sonnait : « Sois gai et
     sois fier ! Travaille et sois gai !... Allons ! tisse
     encore ! ta journée avance ; encore un quart et c'est
     fini !... »
    L'instinct musical s'est développé d'une manière remarquable, surtout
     dans la partie wallonne..
    En Flandre, la musique et l'architecture sont trop abstraites encore.
     Ce n'est pas assez de ces sons, de ces formes ; il faut des couleurs, de
     vives et vraies couleurs, des représentations vivantes de la chair et des sens.
     Il faut dans les tableaux de bonnes et rudes fêtes, où des hommes rouges et des
     femmes blanches boivent, fument et dansent lourdement (Voir au Musée du Louvre
     le tableau intitulé : Fête Flamande ).
    Au delà de l'Escaut, au milieu des tristes marais, des eaux profondes,
     sous les hautes digues de Hollande, commence la sombre et sérieuse
     peinture ; Rembrandt et Gérard Dow peignent où écrivent Erasme et Grotius.
     Mais dans la Flandre, dans la riche et sensuelle Anvers, le rapide pinceau de
     Rubens fera les bacchanales de la peinture. La belle suite des tableaux
     commandés par Marie de Médicis, peinture allégorique et officielle, ne donne
     point la fougue de son génie.
     
    Quand le duc de Bourgogne, frère de Charles V épousa l'héritière des
     comtés de Flandre, d'Artois, de Rethel, de Nevers et de Franche-Comté, le roi
     fit le sacrifice de rendre aux Flamands Lille et Douai, la Flandre française,
     la barrière du royaume au nord, espérant que dans cette alliance la France
     absorberait la Flandre (1400). Il n'en fut pas ainsi. La distinction resta
     profonde, les mœurs différentes, la barrière des langues immuable ; la
     langue française et wallonne ne gagna pas un pouce de terrain sur le flamand.
     La riche Flandre ne devint pas un accessoire de la pauvre Bourgogne. Ce fut le
     contraire. La Flandre continua à regarder vers l'Angleterre. L'alliance
     commerciale avec l'Angleterre faisait la richesse du pays.
    Quand la maison de Bourgogne s'éteignit par la mort de Charles le
     Téméraire et de sa fille Marie, les Flamands s'empressèrent, de nous rendre les
     possessions françaises qui, sous le feu duc, n'avaient servi qu'à tourmenter la
     Flandre. S'ils avaient pu encore donner le Hainaut et Namur et tous les pays
     wallons, ils l'eussent fait volontiers afin d'avoir, désormais, des comtes de
     Flandre paisibles et raisonnables.
    Que ce pays ait contenu, néanmoins, tant de germes de troubles, on
     pourrait, dès lors, s'en étonner. La Flandre est le pays du travail, et le
     travail vaut la paix. Elle l'eût gardée cette paix, si les grandes villes
     fussent restées amies. Dans la dispute qui

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