Notre France, sa géographie, son histoire
mort tout reviendrait au roi.
Mais, Anne voulut garder son royaume dans le royaume, en maintenant
cette puissance de Bourbon que, par elle, son père avait compté détruire.
C'était comme une dernière tour du monde féodal qui restait debout au cœur de
la France. Elle ne pouvait consentir à tomber qu'en se transformant, devenant
trône de France. Anne de Feaujeu y mit pour gardien, en lui faisant épouser sa
fille, — l'homme brillant, dangereux et fatal que François I er fit
connétable, et qui, en retour, somma le roi de France de se rendre son
prisonnier à Pavie.
Traître à la France, traître à l'Italie, notre alliée, Bourbon s'en
alla, ensuite, faire le sac de Rome pour le compte de l'empereur. Il voulut
donner lui-même l'assaut, monter à l'échelle.
Une balle l'atteint, il se sent mort.
Morte aussi, de ce jour, fut la féodalité. La même heure marqua sa
dernière et suprême ruine. La France, désormais, s'appartenait tout
entière.
XXX
L'ORLÉANAIS - LA PICARDIE
CENTRE D'ATTRACTION
Pour trouver le vrai centre de la France, le noyau autour duquel
tout devait s'agréger, il ne faut pas prendre le point central dans
l'espace : Bourges et le Bourbonnais, berceau de la dynastie. Il ne faut
pas chercher la principale séparation des eaux, ce seraient les plateaux de
Dijon ou de Langres, entre les sources de la Saône, de la Seine et de la
Meuse ; pas même le point de séparation des races, ce serait sur la Loire,
entre la Bretagne, l'Auvergne et la Touraine. Non, le centre s'est trouvé
marqué par des circonstances plus politiques que naturelles, plus humaines que
matérielles. C'est un centre excentrique, qui dérive et appuie au Nord,
principal théâtre de l'activité nationale, dans le voisinage de l'Angleterre,
de la Flandre et de l'Allemagne. Protégé, et non pas isolé, par les fleuves qui
l'entourent, il se caractérise selon la vérité par le nom d'Ile-de-France.
On dirait, à voir les grands fleuves de notre pays, les grandes
lignes de terrains qui les encadrent, que la France coule avec eux à l'Océan.
Il semblerait que, par analogie, les populations, aux temps modernes, ont coulé
d'ensemble avec les fleuves. Nous avons vu qu'il n'en fut pas ainsi au moyen
âge, que les fleuves ne furent pas des routes. Sans compter les innombrables
péages, les rivières du Midi vont à la mer en véritables torrents. Au Nord, les
pentes sont peu rapides, les fleuves sont dociles. Ils n'ont point empêché la
libre action de la politique de grouper les provinces autour du centre qui les
attirait.
La Seine, doucement épanchée des coteaux de la Bourgogne
(Côte-d'Or), est en tous sens le premier de nos fleuves, le plus civilisable,
le plus perfectible. Elle n'a ni la capricieuse et perfide mollesse de la
Loire, ni la brusquerie de la Garonne, ni la terrible impétuosité du Rhône, qui
tombe comme un taureau échappé des Alpes, perce un lac de dix-huit lieues, et
vole à la mer, en mordant ses rivages. La Seine reçoit de bonne heure
l'empreinte de la civilisation. Dès Troyes, elle se laisse couper, diviser à
plaisir, allant chercher les manufactures et leur prêtant ses eaux. Lors même
que la Champagne lui a versé la Marne, et la Picardie l'Oise, elle n'a pas
besoin de fortes digues, elle se laisse serrer dans nos quais, sans s'en
irriter davantage. Entre les manufactures de Troyes et celles de Rouen, elle
abreuve Paris. De Paris au Havre, ce n'est plus qu'une ville. Il faut la voir
entre Pont-de-l'Arche et Rouen, la belle rivière, comme elle s'égare dans ses
îles innombrables, encadrées au soleil couchant dans des flots d'or, tandis
que, tout du long, les pommiers mirent leurs fruits, jaunes et rouges, sous des
masses blanchâtres. Je ne puis comparer à ce spectacle que celui du lac de
Genève. Le lac a de plus, il est vrai, les vignes de Vaud, Meillerie et les
Alpes. Mais le lac ne marche point ; c'est l'immobilité, ou du moins
l'agitation sans progrès visible. La Seine marche, et porte la pensée de la
France, de Paris vers la Normandie, vers l'Océan, l'Angleterre, la lointaine
Amérique.
Paris a pour première ceinture, Rouen, Amiens, Orléans, Châlons,
Reims, qu'il emporte dans son mouvement. A quoi se rattache une ceinture
extérieure, Nantes, Bordeaux, Clermont et Toulouse, Lyon, Besançon, Metz et
Strasbourg. Paris se reproduit en Lyon pour atteindre par
Weitere Kostenlose Bücher