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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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seigneur. Les femmes y allaient comme les hommes. Quatre-vingt femmes
     voulurent prendre part à l'attaque du château d'Amiens et s'y firent toutes
     blesser ; ainsi plus tard Jeanne Hachette, au siège de Beauvais. Gaillarde
     et rieuse population, d'impétueux soldats et de joyeux conteurs, pays de mœurs
     légères, des fabliaux salés, des bonnes chansons de Béranger.
    Fortement féodale, fortement communale et démocratique fut cette
     ardente Picardie. La noblesse entra de bonne heure dans la grande pensée de la
     France. La maison de Guise, branche picarde des princes de Lorraine, défendit
     Metz contre les Allemands, prit Calais aux Anglais, et faillit prendre aussi la
     France au roi. La monarchie de Louis XIV fut dite et jugée par le Picard
     Saint-Simon. Un autre Picard, vingt ans après Commines, trente ans avant
     Montaigne, a donné la nouvelle langue française. Elle jaillit de la bouche de
     Calvin, cette langue sobre et forte, étonnamment pure, triste, amère, mais
     robuste et déjà toute armée.
    Le même pays qui donna Calvin, commença la Ligue contre Calvin. Un
     moine d'Amiens, Pierre l'Ermite, avait enlevé toute l'Europe, princes et
     peuples, à Jérusalem, par l'élan de la religion. Un légiste de Noyon la
     changea, cette religion, dans la moitié des pays occidentaux ; il fonda sa
     Rome à Genève, et mit la république dans la foi. La république, elle, fut
     poussée par les mains picardes dans sa course rapide, de Condorcet en Camille
     Desmoulins, de Desmoulins en Gracchus Babœuf 6 . Elle fut chantée par Béranger qui dit si bien
     le mot de la nouvelle France : « Je suis vilain et très
     vilain. » Entre ces vilains, plaçons au premier rang notre illustre
     général Foy, l'homme pur, la noble pensée de l'armée 7 .
     
    Le Midi et les pays vineux n'ont pas, comme l'on voit, le privilège
     de l'éloquence. La Picardie vaut la Bourgogne : ici il y a du vin dans le
     cœur. On peut dire qu'en avançant du centre à la frontière belge le sang
     s'anime, et que la chaleur augmente vers le Nord. La plupart de nos grands
     artistes, Claude Lorrain, le Poussin, Le sueur 8 , Goujon, Cousin, Mansart, Lenôtre,
     David, appartiennent aux provinces septentrionales ; et, si nous passons
     la Belgique, si nous regardons cette petite France de Liège, isolée au milieu
     de la langue étrangère, nous y trouvons notre Grétry.
    1 A Orléans, la science et renseignement du droit
     romain ; en Picardie, l'originalité du droit féodal et coutumier ;
     deux Picards, Beaumanoir et Desfontaines, ouvrent notre
     jurisprudence.
    2 Voir pages suivantes.
    3 La raillerie orléanaise était amère et dure. Les
     Orléanais avaient reçu le sobriquet de guépins . On dit aussi :
     « La glose d'Orléans est pire que le texte. » — La Sologne a un
     caractère analogue « Niais de Sologne, qui ne se trompe qu'à son
     profit. »
    4 Pépin y fut élu, en 750. Louis d'Outre-mer y
     mourut.
    5 Beauvais, Abbeville : dans toute cette
     Picardie, les hommes, les femmes sont gais, énergiques, avec quelque chose de
     bref. Petit vin, petit élan et court.
    6 Condorcet, né à Ribemont en 1743, mort en 1794. —
     Camille Desmoulins, né à Guise en 1762, mort en 1794. — Babœuf, né à
     Saint-Quentin, mort en 1797. — Béranger est né à Paris, mais d'une famille
     picarde.
    7 Né à Ham. — Plusieurs généraux de la Révolution
     sont sortis de la Picardie : Dumas, Dupont, Serrurier, etc. — Ajoutons à
     la liste de ceux qui ont illustré ce pays fécond en tout genre de gloire :
     Anselme, de Laon ; Ramus, tué à la Saint-Barthélemy Boutillier, l'auteur
     de la Somme rurale  ; l'historien Guibert de Nogent ;
     Charlevoix ; les d'Estrées et les
     Genlis.
    8 Claude le Lorrain, né à Chamagne en Lorraine, en
     1600, mort en 1682. — Poussin, originaire de Soissons, né aux Andelys en 1594,
     mort en 1665. — Lesueur, né à Paris en 1617, mort en 1655. — Jean Cousin,
     fondateur de l'École française, né à Soucy, près Sens, vers 1501. — Jean
     Goujon, né à Paris, mort en 1572. — Germain Pilon, né à Loué, à six lieues du
     Mans, mort à la fin du seizième siècle. — Pierre Lescot, l'architecte à qui
     l'on doit la fontaine des Innocents, né à Paris en 1510, mort en 1571. —
     Callot, ce rapide et spirituel artiste qui grava quatorze cents planches, né à
     Nancy en 1593, mort en 1635. — Mansart, l'architecte de Versailles et des
    

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