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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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     d'abord la Bretagne. N'est-ce pas, vue de profil, la tête d'un grand oiseau
     singulièrement animé de vie et d'action ? C'est une tête d'aigle, ou
     plutôt, car elle est chauve, d'un gigantesque condor âprement avide de l'infini
     vers lequel il s'élance. Suivez maintenant à droite le contour de la carte,
     vous verrez le corps de l'oiseau se dessiner à son tour. Il couvre toute la
     France. Ses vastes ailes, à demi repliées, sont chargées de toutes nos
     provinces du nord-est, que la bête emporte avec elle comme une proie à l'Océan.
     Mais la charge en est si lourde, qu'elle l'oblige à se replier fortement sur
     elle-même pour ajouter à la puissance de l'effort. Sous cette flexion, les
     flancs se sont évidés... Le vide s'est creusé si profond qu'une mer tout
     entière y peut tenir (le golfe de Gascogne). L'élan est déjà dans la tête et
     dans les ailes, mais le reste du corps tient encore à la terre. On dirait qu'au
     moment de prendre l'essor, l'oiseau, si puissant qu'il soit, surchargé du poids
     énorme de tant de provinces, a voulu s'assurer le meilleur point d'appui.
     Jetant, hardiment, ses puissantes serres à l'autre bout de la France, il les a
     plantées, non pas en bas, sur le sable de la plaine, mais en haut, sur la
     montagne et sur le roc, sur la cime granitique des Pyrénées. Regardez
     encore ; non seulement cette figure d'oiseeu emportant la France à l'Océan
     se détachera à vos yeux dans une étonnante vigueur, mais vous saisirez de plus
     en plus, dans tous ses mouvements, une précision, une justesse pour ainsi dire
     géométriques.
(M me J. M.)

XXVIII
    LA FLANDRE
    Rien de plus positif et réel que le génie de notre bonne et forte
     Flandre ; rien de plus solidement fondé, solidis fundatum ossibus
     intus . Sur ces grasses et plantureuses campagnes uniformément riches
     d'engrais, de canaux, d'exubérante et grossière végétation, herbes, hommes et
     animaux, poussent à l'envi, grossissent à plaisir. Le bœuf et le cheval y
     gonflent, à jouer l'éléphant. La femme vaut un homme et souvent mieux. Race
     pourtant un peu molle dans sa grosseur, plus forte que robuste, mais d'une
     force musculaire immense. Nos hercules de foire sont venus souvent du
     département du Nord.
    La force prolifique des Bolg d'Irlande se trouve chez nos Belges de
     Flandre et des Pays-Bas. Dans l'épais limon de ces riches plaines, dans ces
     vastes et sombres communes industrielles, d'Ypres, de Gand, de Bruges, les
     hommes grouillaient comme les insectes après l'orage. Il ne fallait pas mettre
     le pied sur ces fourmilières. Ils en sortaient à l'instant, piques baissées,
     par quinze, vingt, trente mille hommes, tous forts, bien nourris, rouges,
     robustes et hardis, de rudes hommes, qui avaient foi dans la grosseur de leurs
     bras et la pesanteur de leurs mains, des forgerons qui, dans une révolte,
     continuaient de battre l'enclume sur la cuirasse des chevaliers, des foulons,
     des boulangers, qui pétrissaient l'émeute comme le pain, des bouchers qui
     pratiquaient sans scrupule leur métier sur des hommes.
    Froidement héroïques devant la mort, on les vit à Roosebeke, se lier
     les uns aux autres pour être sûrs de charger avec ensemble et de ne pas être
     séparés.
    Contre de telles masses la cavalerie féodale n'avait pas beau jeu.
    Peu guerriers d'ailleurs de leur nature, sauf quelques moments de
     colère brutale, avaient-ils si grand tort d'être fiers, ces braves
     Flamands ? Tout gros et grossiers qu'ils étaient 1 , ils faisaient
     merveilleusement leurs affaires. Personne n'entendait comme eux le commerce,
     l'industrie, l'agriculture. Nulle part le bon sens, le sens du positif, du
     réel, ne fut plus remarquable. Nul peuple peut-être, au moyen âge, ne comprit
     mieux la vie courante du monde, ne sut mieux agir et conter. La Champagne et la
     Flandre sont alors les seuls pays qui puissent lutter pour l'histoire avec
     l'Italie. La Flandre a son Villani dans Froissart, et dans Commines son
     Machiavel. Ajoutez-y ses empereurs-historiens de Constantinople. Ses auteurs de
     fabliaux sont encore des historiens, au moins en ce qui concerne les mœurs
     publiques.
    Mœurs peu édifiantes, sensuelles et grossières. Et plus on avance au
     nord dans cette grasse Flandre, sous cette douce et humide atmosphère, plus la
     contrée s'amollit, plus la sensualité domine, plus la nature devient puissante.
     L'histoire, le récit ne suffisent plus

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