Notre France, sa géographie, son histoire
science et
d'art ; il n'en a qu'un, un de vie sociale. L'Angleterre est un empire,
l'Allemagne un pays, une race ; la France est une personne.
2 Nous avons laissé cette phrase qui exprime si bien
la nécessité, pour la France, de recouvrer ses légitimes frontières. Non pour
l'attaque contre un peuple dont l'amitié lui vaut mieux que la haine, mais pour
ses garanties naturelles. (M me J. M.)
V
La supériorité sociale de la France tient à sa
forte personnalité.
La personnalité, l'unité, c'est par là que l'être se place haut dans
l'échelle des êtres. Je ne puis mieux me faire comprendre qu'en reproduisant le
langage d'une ingénieuse physiologie.
Chez les animaux d'ordre inférieur, poissons, insectes, mollusques
et autres, la vie locale est forte. « Dans chaque segment de sangsue se
trouve un système complet d'organes, un centre nerveux, des anses et des
renflements vasculaires, une paire de lobes gastriques, des organes
respiratoires et reproducteurs. Aussi a-t-on remarqué qu'un de ces segments
peut vivre quelque temps, quoique séparé des autres. A mesure qu'on s'élève
dans l'échelle animale, on voit les segments s'unir plus intimement les uns aux
autres, et l'individualité du grand tout se prononcer davantage.
L'individualité dans les animaux composés ne consiste pas seulement dans la
soudure de tous les organismes, mais encore dans la jouissance commune d'un
nombre de parties, nombre qui devient plus grand à mesure qu'on approche des
degrés supérieurs. La centralisation est plus complète, à mesure que l'animal
monte dans l'échelle 3 ». Les nations
peuvent se classer comme les animaux. La jouissance commune d'un grand nombre
de parties, la solidarité de ces parties entre elles, la réciprocité de
fonctions qu'elles exercent l'une à l'égard de l'autre, c'est là la supériorité
sociale. C'est celle de la France, le pays du monde où la nationalité, où la
personnalité nationale, se rapproche le plus de la personnalité
individuelle.
Diminuer, sans détruire, la vie locale, particulière, au profit de
la vie générale et commune, c'est le problème de la sociabilité humaine. Le
peuple le mieux centralisé est aussi celui qui par son exemple, et par
l'énergie de son action, a le plus avancé la centralisation du monde.
3 Dugès.
VI
Comment la France s'est unifiée et a fondé la
patrie.
Cette unification de la France, cet anéantissement de l'esprit
provincial est considéré fréquemment comme le simple résultat de la conquête
des provinces. La conquête peut attacher ensemble, enchaîner des parties
hostiles, mais les unir, jamais.
On a vu l'accumulation des races qui sont venues, au premier âge de
la vie de la France, se déposer l'une sur l'autre et féconder le sol gaulois de
leurs alluvions. Pouvait-on dire que ce fût là la France ? De ces éléments
dont la France s'est faite un tout autre mélange pouvait résulter. Les mêmes
principes chimiques composent l'huile et le sucre. Ainsi, les mêmes principes
donnés, tout n'est pas donné ; reste le mystère du travail, des
modifications que ces principes opèrent sur eux-mêmes, en un mot le mystère de
l'existence propre, spéciale.
Combien doit-on en tenir compte, quand il s'agit d'un mélange actif
et vivant comme une nation.
La conquête et la guerre n'ont fait qu'ouvrir les provinces aux
provinces, elles ont donné aux populations isolées l'occasion de se
connaître ; la vive et rapide sympathie du génie gallique, son instinct
social et centralisateur ont fait le reste 4 . L'unité obtenue, ces provinces, diverses
de climats, de mœurs et de langage, se sont comprises, se sont aimées ;
toutes se sont senties solidaires. Le Gascon s'est inquiété de la Flandre, le
Bourguignon a joui ou souffert de ce qui se faisait aux Pyrénées ; le
Breton, assis au rivage de l'Océan, a senti les coups qui se donnaient sur le
Rhin.
Ainsi s'est formé l'esprit général, universel de la contrée.
L'esprit local a disparu chaque jour ; l'influence du sol, du climat, de
la race, a cédé à l'action sociale et politique. La fatalité des lieux a été
vaincue, l'homme a échappé à la tyrannie des circonstances matérielles. Le
Français du Nord a goûté le Midi, s'est animé à son soleil ; le Méridional
a pris quelque chose de la ténacité, du sérieux, de la réflexion du Nord. La
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