Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
hommes, avec quatre pièces de canon que j'avais fait filer par Porto-Legnago pour prendre une position en arrière de l'ennemi et lui tomber sur le dos, acheva de la mettre en déroute. Le général Masséna, qui s'est reporté au centre, marcha droit au village d'Arcole, dont il s'empara, et poursuivit l'ennemi jusqu'au village de San-Bonifacio ; mais la nuit nous empêcha d'aller plus avant.
Le fruit de la bataille d'Arcole est : quatre à cinq mille prisonniers, quatre drapeaux, dix-huit pièces de canon. L'ennemi a perdu au moins quatre mille morts et autant de blessés.
Outre les généraux que j'ai nommés, les généraux Robert et Gardanne ont été blessés. L'adjudant-général Vaudelin a été tué.
J'ai eu deux de mes aides-de-camp tués, les citoyens Elliot et Muiron, officiers de la plus grande distinction ; jeunes encore, ils promettaient d'arriver un jour avec gloire aux premiers postes militaires. Notre perte, quoique très peu considérable, a été très-sensible, en ce que ce sont presque tous nos officiers de distinction.
Cependant le général Vaubois a été attaqué et forcé à Rivoli, position importante gui mettait à découvert le blocus de Mantoue. Nous partîmes, à la pointe du jour, d'Arcole. J'envoyai la cavalerie sur Vicence à la poursuite des ennemis, et je me rendis à Verone, où j'avais laissé le général Kilmaine avec trois mille hommes.
Dans ce moment-ci, j'ai rallié la division Vaubois, je l'ai renforcée, et elle est à Castel-Novo. Augereau est à Verone, Masséna sur Villa-Nova.
Demain, j'attaque la division qui a battu Vaubois, je la poursuis jusque dans le Tyrol, et j'attendrai alors la reddition de Mantoue, qui ne doit pas tarder quinze jours. L'artillerie s'est comblée de gloire.
Les généraux et officiers de l'état-major ont montré une activité et une bravoure sans exemple, douze ou quinze ont été tués ; c'était véritablement un combat à mort : pas un d'eux qui n'ait ses habits criblés de balles.
Je vous enverrai les drapeaux pris sur l'ennemi.
BONAPARTE.
Au citoyen Carnot, membre du directoire.
Les destinées de l'Italie commencent à s'éclaircir ; encore une victoire demain, qui ne me semble pas douteuse, et j'espère, avant dix jours, vous écrire du quartier-général de Mantoue.
Jamais champ de bataille n'a été aussi disputé que celui d'Arcole ; je n'ai presque plus de généraux, leur dévouement et leur courage sont sans exemple. Le général de brigade Lannes est venu au champ de bataille, n'étant pas encore guéri de la blessure qu'il a reçue à Governolo. Il fut blessé deux fois pendant la première journée de la bataille ; il était, à trois heures après-midi, étendu sur son lit, souffrant, lorsqu'il apprend que je me porte moi-même à la tête de la colonne ; il se jette à bas de son lit, monte à cheval et revient me trouver. Comme il ne pouvait pas être à pied, il fut obligé de rester ; il reçut ; à la tête du pont d'Arcole, un coup qui l'étendit sans connaissance. Je vous assure qu'il fallait tout cela pour vaincre ; les ennemis étaient nombreux et acharnés, les généraux à leur tête : nous en avons tué plusieurs.
BONAPARTE.
Au général Clarke.
Votre neveu Elliot a été tué sur le champ de bataille d'Arcole. Ce jeune homme s'était familiarisé avec les armes, il a plusieurs fois marché à la tête des colonnes ; il aurait été un officier estimable ; il est mort avec gloire et en face de l'ennemi, il n'a pas souffert un instant. Quel est l'homme raisonnable qui n'envierait pas une telle mort ? Quel est celui qui, dans les vicissitudes de la vie, ne s'estimerait point heureux de sortir de cette manière d'un monde si souvent méprisable ? Quel est celui d'entre nous qui n'a pas regretté cent fois de ne pas être ainsi soustrait aux effets puissans de la calomnie, de l'envie, et de toutes les passions haineuses qui semblent presque exclusivement diriger la conduite des hommes ?
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 5 frimaire an 5 (23 novembre 1796).
Au citoyen Miot.
Je reçois, citoyen ministre, la lettre que vous m'avez écrite avant de partir pour la Corse. La mission que vous avez à remplir est extrêmement difficile ; ce ne sera que lorsque toutes les affaires seront arrangées, qu'il sera permis de faire passer des troupes en Corse. Vous y trouverez le général Gentili, qui commande cette division. C'est un honnête homme, généralement estimé dans ce pays.
Le
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