Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
l'Europe. Si les Italiens d'aujourd'hui sont dignes de recouvrer leurs droits et de se donner un gouvernement libre, l'on verra un jour leur patrie figurer glorieusement parmi les puissances du globe ; mais n'oubliez pas que les lois ne sont rien sans la force. Votre premier regard doit se porter sur votre organisation militaire. La nature vous a tout donné, et, après l'unité et la sagesse que l'on remarque dans vos différentes délibérations, il ne vous manque plus, pour atteindre au but, que d'avoir des bataillons aguerris et animés du feu sacré de la patrie.
Vous êtes dans une position plus heureuse que le peuple français, vous pouvez arriver à la liberté sans la révolution et ses crimes. Les malheurs qui ont affligé la France avant l'établissement de la constitution ne se verront jamais au milieu de vous. L'unité qui lie les diverses parties de la république cispadane, sera le modèle constamment suivi de l'union qui régnera entre toutes les classes de ses citoyens ; et le fruit de la correspondance de vos principes et de vos sentimens soutenus par le courage, sera la liberté, la république et la prospérité.
BONAPARTE.
À M. Bataglia, provéditeur de la république de Venise à Brescia.
Je reçois à l'instant, monsieur, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire.
Les troupes françaises ont occupé Bergame pour prévenir l'ennemi, qui avait l'intention d'occuper ce poste essentiel. Je vous avouerai franchement que j'ai été bien aise de saisir cette circonstance pour chasser de cette ville la grande quantité d'émigrés qui s'y étaient réfugiés, et châtier un peu les libellistes, qui y sont en grand nombre, et qui, depuis le commencement de la campagne, ne cessent de prêcher l'assassinat contre les troupes françaises, et qui ont, jusqu'à un certain point, produit cet effet, puisqu'il est constant que les Bergamasques ont plus assassiné de Français, que le reste de l'Italie ensemble.
La conduite de M. le provéditeur de Bergame a toujours été très partiale en faveur des Autrichiens, et il ne s'est jamais donné la peine de dissimuler, tant par sa correspondance que par ses propos et par ses actions, la haine qui l'anime contre l'armée française. Je ne suis point son juge, ni celui d'aucun sujet de la sérénissime république de Venise ; cependant, lorsque, contre les intentions bien connues de leur gouvernement, il est des personnes qui transgressent les principes de la neutralité et se conduisent en ennemis, le droit naturel m'autoriserait aussi à me servir de représailles.
Engagez, je vous prie, M. le provéditeur de Bergame, qui est votre subordonné, à être un peu plus modeste, plus réservé et un peu moins fanfaron lorsque les troupes françaises sont éloignées de lui. Engagez-le à être un peu moins pusillanime, à se laisser moins dominer par la peur à la vue des premiers pelotons français.
Si ce sentiment, qui est celui peut-être d'un châtiment qu'il savait avoir mérité par sa conduite passée à l'égard des Français, ne l'avait prédominé, le château de Bergame n'aurait point été évacué par les troupes vénitiennes, mais on s'y serait conduit comme à Brescia et à Verone.
Immédiatement après le reçu de votre lettre, j'ai pris en considération la position de la ville de Bergame, que j'ai fait évacuer par une partie des troupes qui y étaient. J'ai donné l'ordre au général Baraguay d'Hilliers de restituer le château à la garnison vénitienne et de faire le service ensemble. Quant à la tranquillité de Bergame, vos intentions, celle du gouvernement de Venise et la bonté de ce peuple m'en sont un sûr garant. Je connais le petit nombre d'hommes mal intentionnés, qui, depuis six mois, ne cessent de prêcher la croisade contre les Français. Malheur à eux, s'ils s'écartent des sentimens de modération et d'amitié qui unissent les deux gouvernemens !
C'est avec plaisir que je saisis cette occasion, monsieur, pour rendre justice au désir de la tranquillité publique que montrent M. l'évêque de Bergame et son respectable clergé. Je me convaincs tous les jours d'une vérité bien démontrée à mes yeux, c'est que si le clergé de France eût été aussi sage, aussi modéré, aussi attaché aux principes de l'Évangile, la religion romaine n'aurait subi aucun changement en France ; mais la corruption de la monarchie avait infecté jusqu'à la classe des ministres de la religion : l'on n'y voyait plus des
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