Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
hommes d'une vie exemplaire et d'une morale pure, tels que le cardinal Mattei, le cardinal archevêque de Bologne, l'évêque de Modène, l'évêque de Pavie, l'archevêque de Pise ; il m'a paru quelquefois, discourant avec ces personnages respectables, me retrouver aux premiers siècles de l'Église.
Je vous prie de croire, monsieur, aux sentimens d'estime, etc.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 17 nivose an 5 (6 janvier 1797).
Au directoire exécutif.
Plus j'approfondis, dans mes momens de loisir, les plaies incurables des administrations de l'armée d'Italie, plus je me convaincs de la nécessité d'y porter un remède prompt et infaillible.
La comptabilité de l'armée est, chez le payeur, dans un désordre frappant ; on ne peut avoir compte de rien, et à la réputation de friponner bien constatée du contrôleur se joint l'ineptie des autres employés. Tout se vend. L'armée consomme cinq fois ce qui lui est nécessaire, parce que les gardes-magasins font de faux bons, et sont de moitié avec les commissaires des guerres.
Les principales actrices de l'Italie sont entretenues par les employés de l'armée française ; le luxe, la dépravation et la malversation sont à leur comble. Les lois sont insuffisantes : il n'y a qu'un seul remède ; il est à la fois analogue à l'expérience, à l'histoire et à la nature du gouvernement républicain : c'est une syndicature, magistrature qui serait composée d'une ou de trois personnes, dont l'autorité durerait seulement trois ou cinq jours, et qui, pendant ce court espace, aurait le droit de faire fusiller un administrateur quelconque de l'armée. Cette magistrature, envoyée tous les ans aux armées, ferait que tout le monde ménagerait l'opinion publique, et garderait une certaine décence, non-seulement dans les moeurs et dans la dépense, mais encore dans le service journalier.
Le maréchal de Herwick fit pendre l'intendant de l'armée, parce qu'il manqua de vivres ; et nous, au milieu de l'Italie, ayant tout en abondance, dépensant dans un mois cinq fois ce qu'il nous faudrait, nous manquons souvent. Ne croyez pas cependant que je sois mou, et que je trahisse la patrie dans cette portion essentielle de mes fonctions.
Je fais arrêter tous les jours des employés, je fais examiner leurs papiers, visiter les caisses ; mais je ne suis secondé par personne, et les lois n'accordent pas une assez grande autorité au général pour pouvoir imprimer une terreur salutaire à cette nuée de fripons. Cependant le mal diminue, et, à force de gronder, de punir et de me fâcher, les choses, je l'espère, se feront avec un peu plus de décence ; mais songez, je vous le répète, à l'idée que je vous donne d'une syndicature.
Je vous ferai passer incessamment le procès-verbal qu'on m'apporte de l'interrogatoire d'un fournisseur arrêté par mes ordres : par ce procès-verbal, vous verrez combien le mal est porté à son comble et a besoin d'un remède puissant.
La compagnie Flachat a donné à l'Italie l'exemple des rachats. Le commissaire ordonnateur Sucy, qui avait connaissance de tous ces tripotages, m'en a parlé avec quelques détails lors de son dernier voyage à Milan.
Ces gens-là ont peut-être gagné trois millions par des versemens factices. Cette compagnie doit cinq millions à l'armée, provenant des contributions ; le payeur de l'armée a tiré, sur sa maison à Gênes, pour six cent mille livres de traites pour le prêt, elle a eu l'impudeur de les laisser protester. J'ai regardé la compagnie comme banqueroutière, et j'ai fait mettre les scellés sur ses maisons de Livourne et de Gênes. Je vous prie de donner des ordres pour faire arrêter à Paris les agens de cette compagnie : ce sont les plus grands escrocs de l'Europe ; ils nous ont mis ici dans une situation bien embarrassante. J'ai voulu faire arrêter Flachat et son beau-frère, agent de la compagnie à Milan, jusqu'à ce qu'ils eussent payé ; mais ces fripons s'étaient sauvés.
En vous parlant des friponneries qui se commettent, je ne dois pas manquer de rendre justice aux employés qui se conduisent bien et avec décence.
Je suis très-content du citoyen Pesillicot, agent de la compagnie Cerfbeer. Si cette compagnie nous avait envoyé un homme comme celui-là au commencement de la campagne, elle eût gagné plusieurs millions, et l'armée encore davantage.
Je suis également content de l'agent des vivres-viandes, Collot : c'est un administrateur, il soutient son
Weitere Kostenlose Bücher