Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome I.
héros qui sont morts à côté de nous pour la liberté, jurons sur nos nouveaux drapeaux guerre implacable aux ennemis de la république et de la constitution de l'an 3.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 27 messidor an 5 (16 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie la copie d'une lettre que je reçois du général Clarke : vous y verrez que l'on allonge toujours. Il est hors de doute que l'empereur veut voir la tournure que prendront les affaires en France, et que l'étranger est pour plus que l'on ne croit dans toutes ces machinations.
L'armée reçoit une grande partie des journaux qu'on imprime à Paris, surtout les plus mauvais ; mais cela produit un effet tout contraire à celui qu'ils se promettent. L'indignation est à son comble dans l'armée. Le soldat demande à grands cris si, pour prix de ses fatigues et de six ans de guerre, il doit être, à son retour dans ses foyers, assassiné comme sont menacés de l'être tous les patriotes. Les circonstances s'aggravent tous les jours, et je crois, citoyens directeurs, qu'il est imminent que vous preniez un parti. Je vous fais passer la proclamation que j'ai faite à l'armée, le 25 de ce mois : elle a produit le meilleur effet.
Il n'y a pas un seul homme ici qui n'aime mieux périr les armes à la main, que de se faire assassiner dans un cul-de-sac de Paris.
Quant à moi, je suis accoutumé à une abnégation totale de mes intérêts ; cependant je ne puis pas être insensible aux outrages, aux calomnies que quatre-vingts journaux répandent tous les jours et à toute occasion, sans qu'il y en ait un seul qui les démente ; je ne puis pas être insensible à la perfidie et au tas d'atrocités contenues dans cette motion d'ordre imprimée par l'ordre du conseil des cinq-cents. Je vois que le club de Clichi veut marcher sur mon cadavre pour arriver à la destruction de la république. N'est-il donc plus en France de républicains ? Et, après avoir vaincu l'Europe, serons-nous donc réduits à chercher quelque angle de la terre pour y terminer nos tristes jours ?
Vous pouvez d'un seul coup sauver la république, deux cent mille têtes peut-être qui sont attachées à son sort, et conclure la paix en vingt-quatre heures. Faites arrêter les émigrés ; détruisez l'influence des étrangers ; si vous avez besoin de force, appelez les armées ; faites briser les presses des journaux vendus à l'Angleterre, plus sanguinaires que ne le fut jamais Marat.
Quant à moi, citoyens directeurs, il est impossible que je puisse vivre au milieu des affections les plus opposées : s'il n'y a point de remède pour faire finir les maux de la patrie, pour mettre un terme aux assassinats, et à l'influence des royalistes, je demande ma démission.
Je vous envoie un stylet pris sur les assassins de Verone.
Mais, dans toutes les circonstances, le souvenir des marques constantes que vous m'avez données de la confiance la plus illimitée, ne sortira jamais de ma mémoire.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 29 messidor an 5 (17 juillet 1797).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie copie de la lettre que m'écrit le général Clarke.
M. Baptiste est parti de Montebello le 5 messidor. Quatre jours avant, MM. les plénipotentiaires avaient fait partir un courrier, qui portait à peu près la même chose. Voilà donc près d'un mois que la cour de Vienne laisse ses plénipotentiaires et ne répond à rien.
Il est bien évident que la cour de Vienne n'est pas de bonne foi, et qu'elle traîne en longueur pour attendre la décision des affaires intérieures, que toute l'Europe croit très-prochaine.
Voulez-vous épargner cinquante mille hommes de l'élite de la nation qui vont périr dans cette nouvelle campagne ? Faites briser avec quelque appareil les presses du Thé, du Mémorial, de la Quotidienne [Le Thé, le Mémorial et la Quotidienne étaient trois journaux royalistes qui paraissaient à cette époque.] ; faites fermer le club de Clichi, et faites faire cinq ou six bons journaux constitutionnels.
Cette crise, qui, en réalité, sera extrêmement légère, suffira pour faire voir à l'étranger qu'il n'a encore rien à espérer : elle rétablira l'opinion et ôtera aux soldats cette vive inquiétude qui anime toutes les têtes, et qui finira par des explosions dont les conséquences ne peuvent pas se prévoir.
Il est bien malheureux que, lorsque nous commandons à l'Europe, nous ne puissions pas commander à un journal de la
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