Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
nos mille et une brochures, nos harangues à perte de vue et très-bavardes, nous sommes très-ignorans dans la science politique morale.
Nous n'avons pas encore défini ce que l'on entend par pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.
Montesquieu nous a donné de fausses définitions, non pas que cet homme célèbre n'eût été véritablement à même de le faire ; mais son ouvrage, comme il le dit lui-même, n'est qu'une espèce d'analyse de ce qui a existé ou existait : c'est un résumé de notes faites dans ses voyages ou dans ses lectures.
Il a fixé les yeux sur le gouvernement d'Angleterre ; il a défini, en général, le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.
Pourquoi effectivement regarderait-on comme une attribution du pouvoir législatif le droit de guerre et de paix, le droit de fixer la quantité et la nature des impositions ?
La constitution anglaise a confié avec raison, une de ces attributions à la chambre des communes, et elle a très-bien fait, parce que la constitution anglaise n'est qu'une charte de privilèges : c'est un plafond tout en noir, mais bordé en or.
Comme la chambre des communes est la seule qui, tant bien que mal, représente la nation, seule elle a dû avoir le droit de l'imposer ; c'est l'unique digue que l'on a pu trouver pour modifier le despotisme et l'insolence des courtisans.
Mais dans un gouvernement où toutes les autorités émanent de la nation, où le souverain est le peuple, pourquoi classer dans les attributions du pouvoir législatif des choses qui lui sont étrangères ?
Depuis cinquante ans je ne vois qu'une chose que nous avons bien définie, c'est la souveraineté du peuple ; mais nous n'avons pas été plus heureux dans la fixation de ce qui est constitutionnel, que dans l'attribution des différens pouvoirs.
L'organisation du peuple français n'est donc véritablement encore qu'ébauchée.
Le pouvoir du gouvernement, dans tonte la latitude que je lui donne, devrait être considéré comme le vrai représentant de la nation, lequel devrait gouverner en conséquence de la charte constitutionnelle et des lois organiques ; il se divise, il me semble, naturellement en deux magistratures bien distinctes :
Dans une qui surveille et n'agit pas, à laquelle ce que nous appelons aujourd'hui pouvoir exécutif serait obligé de soumettre les grandes mesures, si je puis parler ainsi, la législation de l'exécution : cette grande magistrature serait véritablement le grand conseil de la nation ; il aurait toute la partie de l'administration ou de l'exécution, qui est, par notre constitution, confiée au pouvoir législatif.
Par ce moyen le pouvoir du gouvernement consisterait dans deux magistratures, nommées par le peuple, dont une très-nombreuse, où ne pourraient être admis que des hommes qui auraient déjà rempli quelques-unes des fonctions qui donnent aux hommes de la maturité, sur les objets du gouvernement.
Le pouvoir législatif ferait d'abord toutes les lois organiques, les changerait, mais pas en deux ou trois jours, comme l'on fait ; car une fois qu'une loi organique serait en exécution, je ne crois pas qu'on pût la changer avant quatre ou cinq mois de discussion.
Ce pouvoir législatif, sans rang dans la république, impassible, sans yeux et sans oreilles pour ce qui l'entoure, n'aurait pas d'ambition et ne nous inonderait plus de mille lois de circonstances qui s'annulent toutes seules par leur absurdité, et qui nous constituent une nation sans lois avec trois cents in-folio de lois.
Voilà, je crois, un code complet de politique, que les circonstances dans lesquelles nous nous sommes trouvés rendent pardonnable.
C'est un si grand malheur pour une nation de trente millions d'habitans, et au dix-huitième siècle, d'être obligée d'avoir recours aux baïonnettes pour sauver la patrie ! Les remèdes violens accusent le législateur ; car une constitution qui est donnée aux hommes, doit être calculée pour des hommes.
Si vous voyez Sieyes, communiquez-lui, je vous prie, cette lettre. Je l'engage à m'écrire que j'ai tort ; et croyez que vous me ferez un sensible plaisir si vous pouvez contribuer à faire venir en Italie un homme dont j'estime les talens, et pour qui j'ai une amitié tout à fait particulière. Je le seconderai de tous mes moyens, et je désire que, réunissant aux efforts, nous puissions donner à l'Italie une constitution plus analogue aux moeurs de ses habitans, aux circonstances locales, et peut-être
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