Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
les nations. Si les suites affligeantes de la guerre se prolongent, si le séjour des troupes françaises est à charge aux pays qu'elles occupent, c'est à vous qu'il faut s'en prendre : tous les maux qui ont tourmenté l'Europe sont venus de vous seuls. Les lieux communs diplomatiques ne résolvent pas de si grandes questions. Quand vous voudrez la paix, la France sera prête à la faire ; vous ne pouvez l'ignorer, vous ne l'ignorez point. On peut citer à ce sujet une anecdote qui est généralement connue. Lorsque la garde impériale partit pour Jéna, et que l'on sut que peu de jours après l'empereur devait partir pour l'armée, lord Lauderdale demanda à M. de Champagny si, dans le cas où l'Angleterre ferait la paix, l'empereur Napoléon consentirait à s'arrêter et à contremander la marche de ses troupes contre la Prusse : l'empereur fit répondre affirmativement. D'un seul mot vous auriez sauvé la Prusse. En prévenant la chute de cette puissance, vous mainteniez sur l'Elbe cette barrière si nécessaire à vos intérêts les plus chers, et dont le rétablissement est désormais impossible.
[Elle oppose à son refus d'accepter la médiation de la Russie, celui fait par cette puissance de lui servir de médiatrice envers le Danemarck.]
L'empereur de Russie a du être offensé de la communication que fit M. Canning à M. Ryder, et dans laquelle le ministre anglais se disait certain que la Russie garantirait le Danemarck du juste ressentiment de la France, si, après avoir laissé violer son indépendance et ravir sa flotte, le Danemarck se constituait province anglaise.
Ce mensonge ne fit qu'irriter le prince royal : il ne pouvait en imposer à personne. L'Angleterre voulait que la Russie garantît le Danemarck du ressentiment de la France, tandis qu'elle déclarait qu'elle ne faisait violence au Danemarck que pour se garantir des engagemens secrets contractés à Tilsitt par l'empereur de Russie. On ne sait, en vérité, ce qui est ici le plus frappant, ou la déraison ou l'immoralité du cabinet de Londres.
[Elle insinue que les premiers symptômes de bienveillance envers elle n'ont eu lieu a Saint-Pétersbourg qu'au moment où la nouvelle du siège de Copenhague venait d'y arriver.]
Si l'empereur de Russie a montrée à l'Angleterre les premiers symptômes d'une paix renaissante depuis la paix de Tilsitt, il n'est donc pas vrai qu'il ait conclu à Tilsitt des arrangemens secrets qui l'avaient mis en inimitié avec l'Angleterre. Si ces démonstrations ont eu lieu au moment où l'on venait d'apprendre à Pétersbourg la nouvelle de l'investissement de Copenhague, ce n'est pas que l'empereur de Russie n'en éprouvât aucun ressentiment ; c'est qu'il concevait quelqu'espoir d'adoucir la férocité de l'Angleterre par de bons procédés ; c'est qu'il a désiré intervenir pour sauver son malheureux allié ; c'est qu'ignorant les causes de l'expédition de Copenhague, sachant qu'il n'y avait donné lieu, ni directement, ni indirectement, il a pu croire pendant quelque temps que l'Angleterre avait eu des motifs pour se porter à une démarche si importante.
Mais il fut éclairé par les communications du prince royal, par les propres communications de l'Angleterre, par le manifeste du général anglais qui expliquait les odieuses prétentions de son gouvernement ; et alors il demanda que l'attaque de Copenhague cessât. L'Angleterre lui répondit en brûlant Copenhague et en enlevant la flotte.
Après cette opération la plus funeste pour l'Angleterre de toutes les entreprises qu'elle ait jamais formées, elle n'avait que deux partis à prendre : ou continuer à occuper Copenhague, et elle ne l'osait pas ; ou évacuer Copenhague, et elle sentit que le Sund lui serait à jamais fermé. Elle eut alors la lâcheté de recourir à la médiation de la Russie ; elle mit à nu son caractère ; elle crut qu'elle imposerait à l'empereur Alexandre ; mais elle ne put rien obtenir d'une démarche que cette opinion rendait offensante : la Russie lui répondit par le silence du mépris et en armant Cronstadt et ses côtes. Cette démarche de l'Angleterre prouve donc une seule chose ; c'est qu'elle ne pensait pas que la Russie eût arrêté à Tilsitt des articles secrets contraires à ses intérêts. Cette vérité démontrée dans ces notes de tant de manières, fait crouler tout l'échafaudage du manifeste anglais.
[Elle nie avoir jamais acquiescé à la reconnaissance de inviolabilité de la mer
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