Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
de la rive gauche, et établit son champ de bataille, la droite au village d'Esling, et la gauche à celui de Gross-Aspern, qui furent sur le champ occupés.
Le 21, à quatre heures après midi, l'armée ennemie se montra et parut avoir le dessein de culbuter notre avant-garde et de la jeter dans le fleuve ; vain projet ! Le maréchal duc de Rivoli fut le premier attaqué à Gross-Aspern, par le corps du général Bellegarde. Il manoeuvra avec les divisions Molitor et Legrand, et pendant toute la soirée, fit tourner à la confusion de l'ennemi toutes les attaques qui furent entreprises. Le duc de Montebello défendit le village d'Esling, et le maréchal duc d'Istrie, avec la cavalerie légère et la division de cuirassiers Espagne couvrit la plaine et protégea Enzersdorf. L'affaire fut vive ; l'ennemi déploya deux cents pièces de canon et à peu près quatre-vingt dix mille hommes composés des débris de tous les corps de l'armée autrichienne.
La division de cuirassiers Espagne fit plusieurs belles charges, enfonça deux carrés et s'empara de quatorze pièces de canon. Un boulet tua le général Espagne, combattant glorieusement à la tête des troupes, officier brave, distingué et recommandable sous tous les points de vue. Le général de brigade Foulers fut tué dans une charge.
Le général Nansouty, avec la seule brigade commandée par le général Saint-Germain, arriva sur le champ de bataille vers la fin du jour. Cette brigade se distingua par plusieurs belles charges. A huit heures du soir le combat cessa, et nous restâmes entièrement maîtres du champ de bataille.
Pendant la nuit, le corps du général Oudinot, la division Saint-Hilaire, deux brigades de cavalerie légère et le train d'artillerie passèrent les trois ponts.
Le 22, à quatre heures du matin, le duc de Rivoli fut le premier engagé. L'ennemi fit successivement plusieurs attaques pour reprendre le village.
Enfin, ennuyé de rester sur la défensive, le duc de Rivoli attaqua à son tour et culbuta l'ennemi. Le général de division Legrand s'est fait remarquer par ce sang-froid et cette intrépidité qui le distinguent. Le général de division Boudet, placé au village d'Esling, était chargé de défendre ce poste important.
Voyant que l'ennemi occupait un grand espace, de la droite à la gauche, on conçut le projet de le percer par le centre. Le duc de Montebello se mit à la tête de l'attaque, ayant le général Oudinot à la gauche, la division Saint-Hilaire au centre et la division Boudet à la droite. Le centre de l'armée ennemie ne soutint pas les regards de nos troupes. Dans un moment tout fut culbuté. Le duc d'Istrie fit faire plusieurs belles charges, qui toutes eurent du succès. Trois colonnes d'infanterie ennemie furent chargées par les cuirassiers et sabrées. C'en était fait de l'armée autrichienne, lorsqu'à sept heures du matin, un aide-de-camp vint annoncer à l'empereur que la crue subite du Danube ayant mis à flot un grand nombre de gros arbres et de radeaux, coupés et jetés sur les rives, dans les événemens qui ont eu lieu lors de la prise de Vienne, les ponts qui communiquaient de la rive droite à la petite île, et de celle-ci à l'île de In-der-Lobau, venaient d'être rompus ; cette crue périodique, qui n'a ordinairement lieu qu'à la mi-juin, par la fonte des neiges, a été accélérée par la chaleur prématurée qui se fait sentir depuis quelques jours. Tous les parcs de réserve qui défilaient se trouvèrent retenus sur la rive droite par la rupture des ponts, ainsi qu'une partie de notre grosse cavalerie, et le corps entier du maréchal duc d'Auerstaedt. Ce terrible contre-temps décida l'empereur à arrêter le mouvement en avant.
Il ordonna au duc de Montebello de garder le champ de bataille qui avait été reconnu, et de prendre position, la gauche appuyée à un rideau qui couvrait le duc de Rivoli, et la droite à Esling.
Les cartouches à canon et d'infanterie, que portait notre parc de réserve, ne pouvaient plus passer. L'ennemi était dans la plus épouvantable déroute, lorsqu'il apprit que nos ponts étaient rompus. Le ralentissement de notre feu et le mouvement concentré que faisait notre armée, ne lui laissaient aucun doute sur cet événement imprévu. Tous ses canons et ses équipages d'artillerie, qui étaient en retraite, se représentèrent sur la ligne, et depuis neuf heures du matin jusqu'à sept heures du soir, il fit des efforts inouïs, secondé par le feu
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