Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
1809.
Treizième bulletin de la grande armée.
Dans la nuit du 26 au 27, nos ponts sur le Danube ont été enlevés par les eaux et par des moulins qu'on a détachés. On n'avait pas encore eu le temps d'achever les pilotis et de placer la grande chaîne de fer. Aujourd'hui, l'un des ponts est rétabli, on espère que l'autre le sera demain.
L'empereur a passé la journée d'hier sur la rive gauche, pour visiter les fortifications que l'on élève dans l'île d'In-der-Lobau, et pour voir plusieurs régimens du corps du duc de Rivoli en position de cette espèce de tête de pont.
Le 27, à midi, le capitaine Bataille, aide-de-camp du prince vice-roi, a apporté l'agréable nouvelle de l'arrivée de l'armée d'Italie à Bruck. Le général Lauriston avait été envoyé au devant d'elle, et la jonction a eu lieu sur le Simmeringberg. Un chasseur du neuvième qui était en coureur en avant d'une reconnaissance de l'armée d'Italie, rencontra un chasseur d'un peloton du vingtième, envoyé par le général Lauriston, Après s'être observés pendant quelque temps, ils reconnurent qu'ils étaient Français et s'embrassèrent. Le chasseur du vingtième marcha sur Bruck, pour se rendre auprès du vice-roi, et celui du neuvième se dirigea vers le général Lauriston pour l'informer de l'approche de l'armée d'Italie. Il y avait plus de douze jours que les deux armées n'avaient pas de nouvelles l'une de l'autre. Le 26 au soir, le général Lauriston était à Bruck au quartier-général du vice-roi.
Le vice-roi a montré dans toute cette campagne un sang-froid et un coup d'oeil qui présagent un grand capitaine.
Dans la relation des faits qui ont illustré l'armée d'Italie pendant ces vingt derniers jours, Sa Majesté a remarqué avec plaisir la destruction du corps de Jellachich.
C'est ce général qui fit aux Tyroliens cette insolente proclamation qui alluma leur fureur et aiguisa leurs poignards. Poursuivi par le duc de Dantzick, menacé d'être pris eu flanc par la brigade du général Dupellin, que le duc d'Auerstaedt avait fait déboucher par Mariazell, il est venu tomber comme dans un piége en avant de l'armée d'Italie. L'archiduc Jean qui, il y a si peu de temps, et dans l'excès de sa présomption, se dégradait par sa lettre au duc de Raguse, a évacué Gratz, hier, 27, ramenant à peine vingt ou vingt-cinq mille hommes de cette belle armée qui était entrée en Italie. L'arrogance, l'insulte, les provocations à la révolte, toutes ses actions portant le caractère de la rage, ont tourné à sa honte.
Les peuples de l'Italie se sont conduits comme auraient pu le faire les peuples de l'Alsace, de la Normandie ou du Dauphiné. Dans la retraite de nos soldais, ils les accompagnaient de leurs voeux et de leurs larmes ; ils reconduisaient par des chemins détournés, et jusqu'à cinq marches de l'armée, les hommes égarés. Lorsque quelques prisonniers ou quelques blessés, français ou italiens, ramenés par l'ennemi, traversaient les villes et les villages, les habitans leur portaient des secours ; ils cherchaient pendant la nuit les moyens de les travestir et de les faire sauver.
Les proclamations et les discours de l'archiduc Jean n'inspiraient que le mépris et le dédain, et l'on aurait peine à se peindre la joie des peuples de la Piave, du Tagliamento et du Frioul, lorsqu'ils virent l'armée de l'ennemi fuyant en désordre, et l'armée du souverain et de la patrie revenant triomphante.
Lorsqu'on a visité les papiers de l'intendant de l'armée autrichienne qui était à la fois le chef du gouvernement et de la police, et qui a été pris à Padoue avec quatre voitures, on y a découvert la preuve de l'amour des peuples d'Italie pour l'empereur.
Tout le monde avait refusé des places, personne ne voulait servir l'Autriche : et parmi sept millions d'hommes qui composent la population du royaume, l'ennemi n'a trouvé que trois misérables qui n'aient pas repoussé la séduction.
Les régimens d'Italie qui s'étaient distingués en Pologne et qui avaient rivalisé d'intrépidité dans la campagne de Catalogne avec les plus vieilles bandes françaises, se sont couverts de gloire dans toutes les affaires. Les peuples d'Italie marchent à grands pas vers le dernier terme d'un heureux changement. Cette belle partie du continent, où s'attachent tant de grands et d'illustres souvenirs, que la cour de Rome, que, cette nuée de moines, que ses divisions avaient perdue, reparaît avec honneur sur la scène de
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