Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV.
Augsbourg où étaient leurs régimens, et qui marchaient sur la foi de la paix. Obligés de se rendre et faits prisonniers, ils furent massacrés. Parmi eux se trouvaient quatre-vingt Belges nés dans la même ville que Chasteller. Dix-huit cents Bavarois, faits prisonniers à la même époque, furent aussi massacrés. Chasteller qui commandait fut témoin de ces horreurs. Non-seulement il ne s'y opposa point, mais on l'accusa d'avoir souri à ce massacre, espérant que les Tyroliens, ayant à redouter la vengeance d'un crime dont ils ne pouvaient espérer le pardon, seraient ainsi plus fortement engagés dans leur rébellion.
Lorsque S. M. eut connaissance de ces atrocités, elle se trouva dans une position difficile : si elle voulait recourir aux représailles, vingt généraux, mille officiers, quatre-vingt mille hommes faits prisonniers pendant le mois d'avril pouvaient satisfaire aux mânes des malheureux Français si lâchement égorgés.
Mais des prisonniers n'appartiennent pas à la puissance pour laquelle ils ont combattu ; ils sont tous la sauve-garde de l'honneur et de la générosité de la nation qui les a désarmés. S. M. considéra Chasteller comme étant sans aveu ; car, malgré les proclamations furibondes et les discours violens des princes de la maison de Lorraine, il était impossible de croire qu'ils approuvaient de pareils attentats. S. M. fit en conséquence publier l'ordre du jour suivant :
Au quartier-général impérial à Ens, le 5 mai 1809.
Ordre du jour.
D'après les ordres de l'empereur, le nommé Chasteller, soi-disant général au service d'Autriche, moteur de l'insurrection du Tyrol, et prévenu d'être l'auteur des massacres commis sur les prisonniers bavarois et français par les insurgés, sera traduit à une commission militaire, aussitôt qu'il sera fait prisonnier, et passé par les armes s'il y a lieu, dans les vingt-quatre heures qui suivront la saisie.
BERTHIER.
A la bataille d'Esling, le général Durosnel, portant un ordre à un escadron avancé, fut fait prisonnier par vingt-cinq hulans. L'empereur d'Autriche, fier d'un triomphe si facile, fit publier un ordre du jour conçu en ces termes :
Copie d'une lettre de S. M. l'empereur d'Autriche au prince Charles.
Mon cher frère,
J'ai appris que l'empereur Napoléon a déclaré le marquis de Chasteller hors du droit des gens. Cette conduite injuste et contraire aux usages des nations, et dont on n'a aucun exemple dans les dernières époques de l'histoire, m'oblige d'user de représailles : en conséquence, j'ordonne que les généraux français Durosnel et Foulers soient gardés comme otages, pour subir le même sort et les mêmes traitemens que l'empereur Napoléon se permettrait de faire éprouver au général Chasteller. Il en coûte à mon coeur de donner un pareil ordre, mais je le dois à mes braves guerriers et à mes braves peuples, qu'un pareil sort peut atteindre au milieu des devoirs qu'ils remplissent avec tant de dévouement. Je vous charge de faire connaître cette lettre à l'armée, et de l'envoyer, par un parlementaire, au major-général de l'empereur Napoléon.
Signé FRANÇOIS.
Aussitôt que cet ordre du jour parvint à la connaissance de S. M., elle ordonna d'arrêter le prince de Colloredo, le prince Metternich, le comte de Pergen et le comte de Harddeck, et de les conduire en France, pour répondre des jours des généraux Durosnel et Foulers. Le major-général écrivit au chef d'état-major de l'armée autrichienne la lettre ci-jointe :
A monsieur le major-général de l'armée autrichienne.
Monsieur,
S. M. l'empereur a eu connaissance d'un ordre donné par l'empereur François, qui déclare que les généraux français Durosnel et Foulers, que les circonstances de la guerre ont mis en son pouvoir, doivent répondre de la peine que les lois de la justice infligeraient à M. Chasteller, qui s'est mis à la tête des insurgés du Tyrol, et a laissé égorger sept cents prisonniers français et dix-huit à dix-neuf cents Bavarois ; crime inouï dans l'histoire des nations, qui eût pu exciter une terrible représaille contre quarante feld-maréchaux-lieutenans, trente-six généraux-majors, plus de soixante colonels ou majors, douze cents officiers et quatre-vingt mille soldats, qui sont nos prisonniers, si S. M. ne regardait les prisonniers comme placés sous sa foi ou son honneur, et d'ailleurs n'avait eu des preuves que les officiers autrichiens du Tyrol en ont été aussi indignés que
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