Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
ténébreuses ourdies par le cabinet de Saint-James pendant tout un hiver, se trouvent en un instant dénouées comme le noeud gordien par l'épée d'Alexandre.
Le prince de Hesse-Hombourg a été tué. Les prisonniers disent que le jeune prince royal de Prusse a été blessé, que le prince de Mecklenbourg-Strelitz a été tué.
L'infanterie de la vieille garde, dont six bataillons étaient seulement arrivés, a soutenu par sa présence l'affaire avec ce sang-froid qui la caractérise. Elle n'a pas tiré un seul coup de fusil. La moitié de l'armée n'a pas donné, car les quatre divisions du corps du général Lauriston n'ont fait qu'occuper Leipsick ; les trois divisions du duc de Reggio étaient encore à deux journées du champ de bataille : le comte Bertrand n'a donné qu'avec une de ses divisions, et si légèrement, qu'elle n'a pas perdu cinquante hommes ; ses seconde et troisième divisions n'ont pas donné.
La seconde division de la jeune garde, commandée par le général Barrois, était encore à cinq journées ; il en est de même de la moitié de la vieille garde, commandée par le général Decouz, qui n'était encore qu'à Erfurth : des batteries de réserve formant plus de cent bouches à feu n'avaient pas rejoint, et elles sont encore en marche depuis Mayence jusqu'à Erfurth : le corps du duc de Bellune était aussi à trois jours du champ de bataille. Le corps de cavalerie du général Sébastiani, avec les trois divisions du prince d'Eckmühl, étaient du côté du Bas-Elbe. L'armée alliée forte de cent cinquante à deux cent mille hommes, commandée par les deux souverains, ayant un grand nombre de princes de la maison de Prusse à sa tête, a donc été défaite et mise en déroute par moins de la moitié de l'armée française.
Les ambulances et le champ de bataille offraient le spectacle le plus touchant : les jeunes soldats, a la vue de l'empereur, faisaient trêve à leur douleur, en criant : vive l'empereur !—Il y a-vingt ans, a dit l'empereur, que je commande des armées françaises ; je n'ai pas encore vu autant de bravoure et de dévouement.
L'Europe serait enfin tranquille, si les souverains et les ministres qui dirigent leurs cabinets, pouvaient avoir été présens sur ce champ de bataille. Ils renonceraient à l'espérance de faire rétrograder l'étoile de la France ; ils verraient que les conseillers qui veulent démembrer l'empire français et humilier l'empereur, préparent la perte de leurs souverains.
Le 3 mai, à neuf heures du soir.
A S. M. l'impératrice-reine et régente.
L'empereur, à la pointe du jour du 3, avait parcouru le champ de bataille. A dix heures, il s'est mis en marche pour suivre l'ennemi. Son quartier-général, le 3 au soir, était à Pegau. Le vice-roi avait son quartier-général à Wichstanden, à mi-chemin de Pegau à Borna. Le comte Lauriston, dont le corps n'avait pas pris part à la bataille, était parti de Leipsick, pour se porter sur Zwemkau où il était arrivé. Le duc de Raguse avait passé l'Elster au village de Lietzkowitz, et la comte Bertrand l'avait passé au village de Gredel. Le prince de la Moskwa était resté en position sur le champ de bataille. Le duc de Reggio, de Naumbourg devait se porter sur Zeist.
L'empereur de Russie et le roi de Prusse avaient passé par Pegau dans la soirée du 2, et étaient arrivés au village de Loberstedt à onze heures du soir ; ils s'y étaient reposés quatre heures, et en étaient partis le 3, à trois heures du matin, se dirigeant sur Borna.
L'ennemi ne revenait pas de son étonnement de se trouver battu dans une si grande plaine, par une armée ayant une si grande infériorité de cavalerie. Plusieurs colonels et officiers supérieurs faits prisonniers, assurent qu'au quartier-général ennemi, on n'avait appris la présence de l'empereur à l'armée, que lorsque la bataille était engagée ; ils croyaient tous l'empereur à Erfurt.
Comme cela arrive toujours dans de pareilles circonstances, les Prussiens accusent les Russes de ne pas les avoir soutenus ; les Russes accusent les Prussiens de ne s'être pas bien battus. La plus grande confusion règne dans leur retraite. Plusieurs de ces prétendus volontaires qu'on lève en Prusse, ont été faits prisonniers ; ils font pitié.
Tous déclarent qu'ils ont été enrôlés de force, et sous peine de voir les biens de leur famille confisqués.
Les gens du pays disent que le prince de Hesse-Hombourg a été tué : que plusieurs
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