Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
Alexandre et le roi de Prusse. Vous avez ajouté un nouveau lustre à la gloire de mes aigles ; vous avez montré tout ce dont est capable le sang français.
La bataille de Lutzen sera mise au-dessus des batailles d'Austerlitz, d'Jéna, de Friedland et de la Moskwa ! Dans la campagne passée, l'ennemi n'a trouvé de refuge contre nos armes qu'en suivant la méthode féroce des barbares ses ancêtres. Des armées de Tartares ont incendié ses campagnes, ses villes, la sainte Moscou elle-même. Aujourd'hui ils arrivaient dans nos contrées, précédés de tout ce que l'Allemagne, la France et l'Italie ont de mauvais sujets et de déserteurs, pour y prêcher la révolte, l'anarchie, la guerre civile, le meurtre. Ils se sont faits les apôtres de tous les crimes. C'est un incendie moral qu'ils voulaient allumer entre la Vistule et le Rhin, pour, selon l'usage des gouvernemens despotiques, mettre des déserts entre nous et eux. Les insensés ! ils connaissaient peu l'attachement à leurs souverains, la sagesse, l'esprit d'ordre et le bon sens des Allemands. Ils connaissaient peu la puissance et la bravoure des Français !
«Dans une seule journée, vous avez déjoué tous les complots parricides ... Nous rejetterons ces Tartares dans leurs affreux climats qu'ils ne doivent pas franchir. Qu'ils restent dans leurs déserts glacés, séjour d'esclavage, de barbarie et de corruption, où l'homme est ravalé à l'égal de la brute. Vous avez bien mérité de l'Europe civilisée ; soldats ! l'Italie, la France, l'Allemagne vous rendent des actions de grâces !
«De notre camp impérial de Lutzen, le 3 mai 1813.»
NAPOLÉON.
Le 13 mai au matin.
A S. M. l'impératrice-reine et régente.
La place de Spandau a capitulé. Cet événement étonne tous les militaires. S. M. a ordonné que le général Bruny, le commandant de l'artillerie et le commandant du génie de la place, ainsi que les membres du conseil de défense qui n'auraient pas protesté, fussent arrêtés et traduits devant une commission de maréchaux, présidée par le prince vice-connétable.
S. M. a également ordonné que la capitulation de Thorn fût l'objet d'une enquête.
Si la garnison de Spandau a rendu sans siège une place forte environnée de marais, et a souscrit à une capitulation qui doit être l'objet d'une enquête et d'un jugement, la conduite qu'a tenue la garnison de Wittemberg a été bien différente. Le général Lapoype s'est parfaitement conduit, et a soutenu l'honneur des armes dans la défense de ce point important, qui du reste est une mauvaise place, n'ayant qu'une enceinte à moitié détruite, et qui ne pouvait devoir sa resistance qu'au courage de ses défenseurs.
Le baron de Montaran, écuyer de l'empereur, suivi d'un homme des écuries, s'était égaré le 6 mai, deux jours avant d'arriver à Dresde. Il est tombé dans une patrouille de cavalerie légère de trente hommes, et a été pris par l'ennemi.
Un nouveau courrier adressé de Vienne par M. de Stackelberg à M. de Nesselrode à Dresde, vient d'être intercepté. Ce qui est singulier, c'est que les dépêches sont datées du 8 au soir, et que pourtant elles contiennent des félicitations de M. Stackelberg à l'empereur Alexandre sur la victoire éclatante qu'il vient de remporter, et sur la retraite des Français au-delà de la Saale.
La grande-duchesse Catherine a reçu à Toeplitz une lettre de son frère l'empereur Alexandre, qui lui apprend cette grande victoire du 2.
La grande duchesse, comme de raison, a donné lecture, de cette lettre à tous les buveurs d'eau de Toeplitz. Cependant le lendemain elle a appris que l'empereur Alexandre était revenu sur Dresde, et qu'elle-même devait se rendre à Prague. Tout cela a paru extrêmement ridicule en Bohême. On y a vu le nom d'un souverain compromis sans aucun motif que la politique pût justifier. Tout cela ne peut s'expliquer que comme une habitude russe, résultant de la nécessité qu'il y a en Russie d'en imposer à une populace ignorante, et de la facilité qu'on trouve à lui faire tout accroire. On aurait bien dû adopter un autre usage dans un pays civilisé comme l'Allemagne.
Le 14 mai au matin.
A S. M. l'impératrice-reine et régente.
L'armée de l'Elbe a été dissoute, et les deux armées de l'Elbe et du Mein n'en font plus qu'une seule.
Le duc de Bellune était le 13 au soir sur Wittemberg.
Le prince de la Moskwa partait de Torgau pour se porter sur Lukau.
Le comte Lauriston marchait de Torgau sur
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