Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
général de cavalerie légère de la plus haute distinction, a eu la jambe emportée par un boulet.
Le général Reynier se porta avec le corps saxon sur les hauteurs au-delà de la Reichenbach, et poursuivit l'ennemi jusqu'au village de Hotterndorf.
La nuit nous prit à une lieue de Goerlitz. Quoique la journée eût été extrêmement longue, puisque nous nous trouvions à huit lieues du champ de bataille, et que les troupes eussent éprouvé tant de fatigues, l'armée française aurait couché à Goerlitz ; mais l'ennemi avait placé un corps d'arrière-garde sur la hauteur en avant de cette ville, et il aurait fallu une demi-heure de jour de plus pour la tourner par la gauche. L'empereur ordonna donc qu'on prît position.
Dans les batailles des 20 et 21, le général wurtembergeois Franquemont et le général Lorencez ont été blessés. Notre perte dans ces journées peut s'évaluer à onze ou douze mille hommes tués ou blessés. Le soir de la journée du 22, à sept heures, le grand-maréchal duc de Frioul, étant sur une petite éminence à causer avec le duc de Trévise et le général Kirgener, tous les trois pied à terre et assez éloignés du feu, un des derniers boulets de l'ennemi rasa de près le duc de Trévise, ouvrit le bas-ventre au grand-maréchal, et jeta roide mort le général Kirgener. Le duc de Frioul se sentit aussitôt frappé à mort ; il expira douze heures après.
Dès que les postes furent placés et que l'armée eut pris ses bivouacs, l'empereur alla voir le duc de Frioul. Il le trouva avec toute sa connaissance, et montrant le plus grand sang-froid. Le duc serra la main de l'empereur, qu'il porta sur ses lèvres. Toute ma vie, lui dit-il, a été consacrée à votre service, et je ne la regrette que par l'utilité dont elle pouvait vous être encore !—Duroc, lui dit l'empereur, il est une autre vie ! C'est là que vous irez m'attendre, et que nous nous retrouverons un jour !—Oui, sire ; mais ce sera dans trente ans, quand vous aurez triomphé de vos ennemis, et réalisé toutes les espérances de notre patrie...
J'ai vécu en honnête homme ; je ne me reproche rien. Je laisse une fille, V. M. lui servira de père.
L'empereur serrant de la main droite le grand-maréchal, resta un quart-d'heure la tête appuyée sur la main gauche dans le plus profond silence. Le grand-maréchal rompit le premier ce silence. Ah ! sire, allez-vous-en ! ce spectacle vous peine ! L'empereur, s'appuyant sur le duc de Dalmatie et sur le grand-écuyer, quitta le duc de Frioul sans pouvoir lui dire autre chose que ces mots, adieu donc, mon ami ! S. M. rentra dans sa tente, et ne reçut personne pendant toute la nuit.
Le 23, à neuf heures du matin, le général Régnier entra dans Goerlitz. Des ponts furent jetés sur la Neiss, et l'armée se porta au-delà de cette rivière.
Au 23, au soir, le duc de Bellune était sur Botzemberg ; le comte Lauriston avait son quartier-général à Hochkirch, le comte Reynier en avant de Trotskendorf sur le chemin de Lauban, et le comte Bertrand en arrière du même village ; le duc de Tarente était sur Schoenberg ; l'empereur était à Goerlitz.
Un parlementaire, envoyé par l'ennemi, portait plusieurs lettres, où l'on croit qu'il est question de négocier un armistice.
L'armée ennemie s'est retirée, par Banalau et Laubau, en Silésie. Toute la Saxe est délivrée de ses ennemis, et dès demain 24, l'armée française sera en Silésie.
L'ennemi a brûlé beaucoup de bagages, fait sauter beaucoup de parcs, disséminé dans les villages une grande quantité de blessés. Ceux qu'il a pu emmener sur des charrettes n'étaient pas pansés ; les habitans en portent le nombre à dix-huit mille.
Il en est resté plus de dix mille en notre pouvoir.
La ville de Goerlitz, qui compte huit à dix mille habitans, a reçu les Français comme des libérateurs.
La ville de Dresde et le ministère saxon ont mis la plus grande activité à approvisionner l'armée, qui jamais n'a été dans une plus grande abondance.
Quoiqu'une grande quantité de munitions ait été consommée, les ateliers de Torgau et de Dresde, et les convois qui arrivent, par les soins du général Sorbier, tiennent notre artillerie bien approvisionnée.
On a des nouvelles de Glogau, Custrin et Stettin. Toutes ces places étaient dans un bon état.
Ce récit de la bataille de Wurtchen ne peut être considéré que comme une esquisse. L'état-major-général recueillera les rapports qui feront
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