Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome V.
duc de Trévise passa la Marne, et se mit à la suite de l'ennemi, qui, dans un épouvantable désordre, paraît s'être retiré sur Soissons et sur Reims, par la route de traverse de la Fère en Tardenois.
Le général Blücher, commandant en chef toute l'armée de Silésie, était constamment resté à Vertus pendant les trois jours qui ont anéanti son armée. Il recueillit douze cents hommes des débris du corps du général Alsuffiew battu à Champ-Aubert, qu'il réunit à une division russe du corps de Langeron, arrivée de Mayence et commandée par le lieutenant-général Ouroussoff. Il était trop faible pour entreprendre quelque chose ; mais le 13 il fut joint par un corps prussien du général Kleist, composé de quatre brigades. Il se mit alors à la tête de ces vingt mille hommes et marcha contre le duc de Raguse, qui occupait toujours Étoges. Dans la nuit du 13 au 14, ne jugeant pas ses forces suffisantes pour se mesurer contre l'ennemi, le duc de Raguse se mit en retraite et s'appuya sur Montmirail, où il était de sa personne le 14 à sept heures du matin.
L'empereur partit le même jour de Château-Thierry à quatre heures du matin, et arriva à huit heures à Montmirail. Il fit sur-le-champ attaquer l'ennemi, qui venait de prendre position avec le corps de ses troupes au village de Vauchamp. Le duc de Raguse attaqua ce village. Le général Grouchy, à la tête de la cavalerie, tourna la droite de l'ennemi par les villages et par les bois, et se porta à une lieue au-delà de la position de l'ennemi. Pendant que le village de Vauchamp était attaqué vigoureusement, défendu de même, pris et repris plusieurs fois, le général Grouchy arriva sur les derrières de l'ennemi, entoura, et sabra trois carrés, et accula le reste dans les bois.
Au même instant, l'empereur fit charger par notre droite ses quatre escadrons de service, commandés par le chef d'escadron de la garde La Biffe. Cette charge fut aussi brillante qu'heureuse. Un carré de deux mille hommes fut enfoncé et pris. Toute la cavalerie de la garde arriva alors au grand trot, et l'ennemi fut poussé l'épée dans les reins. A deux heures, nous étions au village de Fromentières ; l'ennemi avait perdu six mille hommes faits prisonniers, dix drapeaux et trois pièces de canon.
L'empereur ordonna au général Grouchy de se porter sur Champ-Aubert à une lieue sur les derrières de l'ennemi. En effet, l'ennemi continuant sa retraite, arriva sur ce point à la nuit. Il était entouré de tous côtés, et tout aurait été pris si le mauvais état des chemins avait permis à douze pièces d'artillerie légère de suivre la cavalerie du général Grouchy. Toutefois, et quoique la nuit fût obscure, trois carrés de cette infanterie furent enfoncés, tués ou pris, et les autres poursuivis vivement jusqu'à Étoges ; la cavalerie s'empara aussi de trois pièces de canon. L'arrière-garde ennemie était faite par la division russe ; elle fut attaquée par le premier régiment de marine du duc de Raguse, abordée à la baïonnette, rompue, et on lui fit mille prisonniers, avec le lieutenant-général Ouroussoff qui la commandait, et plusieurs colonels.
Les résultats de cette brillante journée sont dix mille prisonniers, dix pièces de canon, dix drapeaux et un grand nombre d'hommes tués à l'ennemi.
Notre perte n'excède pas trois ou quatre cents hommes tués ou blessés ; ce qui est dû à la manière franche dont les troupes ont abordé l'ennemi et à la supériorité de notre cavalerie qui le décida, aussitôt qu'il s'en aperçut, à mettre son artillerie en retraite ; de sorte qu'il a marché constamment sous la mitraille de soixante bouches à feu, et que des soixante pièces de canon qu'il avait, il ne nous en a opposé que deux ou trois.
Le prince de Neufchâtel, le grand-maréchal du palais, comte Bertrand, le duc de Dantzick et le prince de la Moskwa, ont constamment été à la tête des troupes.
Le général Grouchy fait le plus grand éloge des divisions de cavalerie Saint-Germain et Doumerc. La cavalerie de la garde s'est couverte de gloire ; rien n'égale son intrépidité. Le général Lion, de la garde, a été légèrement blessé. Le duc de Raguse fait une mention particulière du premier régiment de marine ; le reste de l'infanterie, soit de la garde, soit de la ligne, n'a pas tiré un coup de fusil.
Ainsi, cette armée de Silésie, composée des corps russes de Sacken et de Langeron, des corps prussiens
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